En 1934. © : Stefan Wirz.

On connaît l’importance de Memphis, carrefour des musiques afro-américaines depuis plus d’un siècle. Parmi les styles caractéristiques de la ville du Tennessee, les jug bands figurent bien sûr en bonne place. Memphis Willie B. n’est pas le représentant le plus connu de cette tradition, mais il fit ses premiers pas au sein de telles formations. En outre, nous allons le voir, ses rares faces enregistrées en 1934 resteront inédites durant… quatre-vingt-huit ans ! Il naît William Borum le 4 novembre 1911 à Memphis et apprend la guitare avec son père et le vétéran Jim Jackson. Vers 1929, il se produit avec les Jack Kelly’s Jug Busters, mais aussi dans les rues de la ville et lors de soirées, avant de rejoindre le Memphis Jug Band et d’apprendre l’harmonica avec Noah Lewis des Cannon’s Jug Stompers. Dans tous les cas, il n’enregistre pas avec ces groupes.

© : Discogs.

En revanche, les 13, 17 et 18 septembre 1934, il apparaît à la guitare sur des faces de Hattie Hart et Allen Shaw, autres artistes de Memphis qui démontrent que Memphis Willie B. délaisse progressivement les jug bands au profit du Country Blues. Lors de la première session, le 13 septembre 1934, il grave quatre faces sous le nom de Willie Borum. Inédites, on les croyait définitivement perdues. Mais c’était sans compter sur le collectionneur John Tefteller, qui en 2022 a exhumé une de ces chansons, Ain’t gonna worry my life any more, avant de la sortir sur le CD de son 2023 Blues Calendar ! L’histoire de cette chanson est d’ailleurs assez incroyable, car auparavant, l’obscur label japonais Lucky l’avait éditée, mais en la créditant par erreur à un autre bluesman, Buddy Moss…

Avec sa femme Velma, 1961. © : Stefan Wirz.

Toujours dans les années 1930, Memphis Willie B. joue avec John Lee Granderson, un ami de sa famille, mais aussi des bluesmen notoires dont Robert Johnson, Garfield Akers, Sonny Boy Williamson II et Willie Brown. Ensuite, durant la Seconde Guerre mondiale, il combat en Afrique du Nord et en Italie. De retour chez lui, il constate que son style musical n’a plus la cote et met sa carrière entre parenthèses. Mais le 12 août 1961, en plein Blues Revival, l’historien et producteur Sam Charters l’enregistre à Memphis, ce qui lui permet de sortir coup sur coup deux albums remarquables chez Bluesville, « Introducing Memphis Willie B. » et « Hard Working Man Blues ». On découvre alors un superbe bluesman à la voix poignante, au jeu de guitare inventif très personnel, un harmoniciste terrien, mais également un parolier évocateur. Mais après quelques apparitions au début des années 1960, il disparaît littéralement de la circulation, donné pour mort au début des années 1970 ! Mais on sait aujourd’hui que Memphis Willie B. s’est en fait éteint le 5 octobre 1993 à l’âge de quatre-vingt-un ans.

Sam Charters, Izzy Young, Memphis Willie B., Furry Lewis et Gus Cannon, Greenwich Village, New York, 1963. © : Anne Charters.

Nous vous proposons maintenant notre habituelle sélection de chansons en écoute.
Coldest stuff in town le 13 septembre 1934 par Hattie Hart et Allen Shaw, avec Memphis Willie B. à la seconde guitare.
Moanin’ the blues le 18 septembre 1934 par Allen Shaw, avec Memphis Willie B. à la seconde guitare.
Brownsville blues le 12 août 1961 par Memphis Willie B.
Overseas blues le 12 août 1961 par Memphis Willie B.
Mailman blues le 12 août 1961 par Memphis Willie B.
Dying mother blues le 12 août 1961 par Memphis Willie B.
Good potatoes le 12 août 1961 par Memphis Willie B.
Wine drinking woman le 12 août 1961 par Memphis Willie B.

Furry Lewis, Gus Cannon et Memphis Willie B., NewYork University, juin 1963. © : The Estate of David Gahr / Getty Images.