© : International Center of Photography.

Il est fort heureusement toujours de ce monde mais son œuvre est aujourd’hui tellement consistante qu’Alan Govenar a d’ores et déjà toute sa place dans ma rubrique « Mémoire de blues ». En outre, cela me permet d’évoquer deux livres dont il est le coauteur sortis fin 2023, mais à propos desquels les informations me sont parvenues seulement en ce mois de janvier 2024. Le premier ouvrage est en outre particulièrement important car il s’agit d’une biographie consacrée au grand Blind Lemon Jefferson : elle s’appelle See That My Grave Is Kept Clean: The World and Music of Blind Lemon Jefferson (La Reunion Publishing / Deep Vellum), et Govenar la cosigne avec Kip Lornell (auteur d’autres livres sur la musique dont Virginia’s Blues, Country, & Gospel Records 1902-1943: An Annotated Discography). Publié par le même éditeur mais écrit cette fois avec Jay Brakefield (journaliste et auteur spécialisé), le deuxième livre est une réédition de Deep Ellum and Central Track: Where Cultures Converged, dont la version originale date de 1998. Deep Ellum et Central Track forment en fait un quartier de Dallas où des bluesmen de la stature de Blind Lemon Jefferson et T-Bone Walker débutèrent, mais qui était aussi un haut lieu artistique où les cultures afro-américaines parvenaient à cohabiter. Nous savons que Govenar fait autorité dans le domaine du blues texan depuis quelque quarante ans, mais remontons un peu le temps…

Avec son épouse Kaleta Doolin, à New York le 20 juin 2018. © : BroadwayWorld.

Alan Bruce Govenar naît le 5 août 1952 à Boston, Massachusetts. Dans cette région du nord-est des États-Unis, il grandit loin des tensions raciales du sud, fréquente des Afro-Américains, découvre le jazz, le R&B et le rock ‘n’ roll. Le blues s’invite au lycée, puis davantage durant ses études à l’université de Columbus, Ohio, d’où il sort en 1974 licencié en lettres (dans la spécialité American Folklore). Un bagage qu’il souhaite étoffer, et dès l’année suivante il part pour l’université d’Austin, Texas, pour obtenir cette fois une maîtrise, toujours en American Folklore. Plus tard, en 1984 à Dallas, il complétera son édifiant cursus avec un doctorat en lettres et sciences humaines ! Entre-temps, il enseigne mais trouve également le temps de rencontrer les meilleurs bluesmen texans de l’époque. Plus étonnant, il se lie avec un artiste handicapé spécialiste du tatouage, Leonard « Stoney » St. Clair, l’interviewe et photographie ses œuvres. Le premier livre d’Alan Govenar n’est donc pas consacré au blues mais à ce tatoueur ! Intitulé Stoney Knows How: Life as a Sideshow Tattoo Artist, il est publié en 1981 par Schiffer Book et sera réédité deux fois. Un film du même nom est également tourné, avec derrière la caméra Les Blank, un réalisateur auteur de documentaires inoubliables, là encore notamment sur des bluesmen du Texas.

Son tout premier livre sur le tatoueur Leonard « Stoney » St. Clair. © : Amazon.

À partir de 1984, Govenar s’immerge plus profondément dans le blues et se voit confier une mission appelée « Living Texas Blues » dans le cadre d’un projet sur les arts et la culture au Texas. Et Living Texas Blues sera justement le titre de son premier livre, publié en 1985 par le Dallas Museum of Art. À cela s’ajoutent trois courts métrages, Deep Ellum Blues (12 min, tourné avec Pacho Lane, sur Dallas dans les années 1920 et 1930), Cigarette Blues (6 min, tourné avec Les Blank, vidéo avec Sonny Rhodes) et Battle of the Guitars (12 min, tourné avec Pacho Lane, performances de Pete Mayes and Joe Hughes pour illustrer l’influence de T-Bone Walker). Toujours en 1985, il fonde Documentary Arts, Inc. qui rassemble des archives dont livres, films, enregistrements audio, textes de pièces de théâtre et catalogues d’expositions (dix ans plus tard, pour les photos, il créera avec son épouse Kaleta Doolin la Texas African American Photography Archive). Tout est désormais bien en place : dès ces productions inaugurales, en tant qu’auteur, photographe et réalisateur, Alan Govenar décline les trois principaux axes autour desquels s’articuleront ses travaux à venir durant tout son existence. Je vous propose maintenant une sélection de ses œuvres (en plus de celles précédemment citées) à mes yeux les plus marquantes, et les plus en rapport avec l’objet de ce site.

Premier livre sur le blues texan. © : Documentary Arts.

– Film (1985). Texas Style, par Alan Govenar et Pacho Lane.
– Livre (1990). The Early Years of Rhythm and Blues: Focus on Houston (Rice University Press), par Alan Govenar et Benny Joseph.
– Film (1990). Black On White/White and Black, par Alan Govenar.
– Film (1991). Masters of Traditional Music, par Alan Govenar et Bob Tullier.
– Livre (1994). Meeting the Blues: The Rise of the Texas Sound (Pelican), par Alan Govenar.
– Livre (1996). Portraits of Community: African American Photography in Texas (Texas State Historical Association), par Alan Govenar.
– Film (1998). Everything But the Squeak!, par Alan Govenar. Sur les traditions cadiennes.
– Livre (2000). A Joyful Noise: A Celebration of New Orleans Music (Pelican), par Michael Peter Smith et Alan Govenar.
– Livre (2000). Osceola: Memories of a Sharecropper’s Daughter (Hyperion), par Osceola Mays, Alan Govenar et Shane Evans (illustrations).

Face à des œuvres du Museum of Street Culture, Dallas, 2018. © : Danny Fulgencio / Lakewood Advocate / Advocate Magazine.

– Livre (2000). African American Frontiers: Slave Narratives and Oral Histories (ABC-Clio), par Alan Govenar.
– Livre (2001). Masters of Traditional Arts: A Biographical Dictionary (ABC-Clio), par Alan Govenar.
– Film (2001). Sacred Steel: The Steel Guitar Tradition of the House of God Churches, dirigé par Robert L. Stone, avec des enregistrements de Chris Strachwitz, Alan Govenar et Glen Drinkwater.
– Livre (2004). Stompin’ at the Savoy: The Story of Norma Miller (Candlewick), par Alan Govenar et Martin French (illustrations).
– Film (2004). Little Willie Eason and His Talking Gospel Guitar, par Alan Govenar.
– Livre (2007). Untold Glory: African Americans in Pursuit of Freedom, Opportunity, and Achievement (Broadway Books), par Alan Govenar.
– Livre (2008). Texas Blues: The Rise of a Contemporary Sound (Texas A&M University Press), par Alan Govenar.
– Livre (2010). Juneteenth Texas: Essays in African-American Folklore (University of North Texas Press), par Alan Govenar, Francis E. Abernethy et Patrick B. Mullen.

© : Amazon.

– Livre (2010). Lightnin’ Hopkins: His Life and Blues (Chicago Review Press), par Alan Govenar.
– Livre (2012). Everyday Music (Texas A&M University Press), par Alan Govenar.
– Film (2013). You Don’t Need Feet to Dance, par Alan Govenar.
– Film (2014). One Man Band: Al Howard, par Alan Govenar.
– Livre (2014). The Dallas Music Scene: 1920s-1960s (Arcadia Publishing), par Alan Govenar et Jay Brakefield.
– Livre (2019). The Blues Come to Texas: Paul Oliver and Mack McCormick’s Unfinished Book(Texas A&M University Press). Govenar n’est pas l’auteur du livre mais il en compilé les éléments après le décès des McCormick (en 2015) et Oliver (en 2017).
– Film (2017). Extraordinary Ordinary People, par Alan Govenar.

© : Deep Vellum.

Bien entendu, vous trouverez l’intégralité des réalisations d’Alan Govenar sur le site de Documentary Arts, dont des expositions et des pièces de théâtre qui s’ajoutent à son très large spectre. Je vous recommande enfin la lecture d’un article très documenté (avec une interview) de Robert Sacré, « Alan Govenar – From Texas With Love… », publié dans le numéro 33 d’ABS Magazine.

© : Deep Vellum.