© : 10/18.

Il y a un presque jour pour jour, le 24 février 2023, je consacrais un article à Emmett Till, cet adolescent afro-américain littéralement massacré durant l’été 1955 dans le Mississippi suite à de prétendues avances à l’égard d’une jeune femme blanche. Or, au début de ce mois de février 2024, un auteur français, Jean-Marie Pottier, a publié aux éditions 10/18 L’affaire Emmett Till, qui revient sur cet épisode parmi les plus honteux de l’histoire des États-Unis au XXe siècle. Sans entrer dans les détails, il me semble important de revenir sur les grandes lignes de cet événement. Arrivé de Chicago (où il est né le 25 juillet 1941) chez son oncle et sa tante à Money, Mississippi (dans le Delta non loin de Greenwood) le 21 août 1955, il aurait donc été un peu trop pressant trois jours plus tard vis-à-vis de Carolyn Bryant, une Blanche alors âgée de vingt-et-un ans.

La mère de Till lors des funérailles. © : Bettmann via Getty Images /The New York Times.

Élevé à Chicago, Till n’est pas au fait de la ségrégation très dure qui règne à l’époque dans les États du sud. Au retour de son mari le 27 août, Carolyn Bryant l’informe de l’incident en affirmant que Till l’a sifflée et/ou tenté de l’enlacer. Les faits ne seront jamais établis d’autant qu’elle changera plusieurs fois de version, finissant par avouer  en 2007, soit cinquante-deux ans après les faits, que Till ne l’avait jamais touchée et qu’il ne méritait pas ce qu’il avait subi. Car le 28 août 1955 entre 2 et 3 heures du matin, son mari, Bob Bryant, flanqué de son beau-frère, John William Milam, enlèvent l’adolescent. Ils font ensuite preuve d’une violence indescriptible, torturent Till, lui démolissent le visage à coup de crosse avant de l’achever d’une balle dans la tête et de jeter son corps dans la rivière Tallahatchie. Moins d’un mois plus tard, le 23 septembre, à l’issue d’un simulacre de procès, ils sont acquittés par un jury entièrement composé de Blancs.

Inauguration de la statue d’Emmett Till, 21 octobre 2022, Greenwood, Mississippi. © : Scott Olson / Getty Images via AFP / Radio France.

Comme si cela ne suffisait pas, profitant d’une loi qui prévoit que l’on ne peut être jugé deux fois pour le même délit (Double Jeopardy Clause), Bryant et Milam reconnaissent les faits dès l’année suivante et monnaient leur histoire au magazine Look qui publie un reportage et leur verse 4 000 dollars (l’équivalent de 46 000 dollars aujourd’hui !). Malgré cela, les deux coupables ne seront plus jamais inquiétés et mourront en 1980 et 1994, respectivement à soixante-et-un et soixante-trois ans. Les faits ne seront jamais remis en cause, malgré la réouverture du procès en 2004 (suite à la sortie l’année précédente du film de Keith Beauchamp The Untold Story of Emmett Louis Till) et donc les aveux de Carolyn Bryant trois ans plus tard. Le massacre d’Emmett Till sera toutefois un des éléments déclencheurs de la lutte pour les droits civiques qui se poursuivra ensuite durant une quinzaine d’années. Comme je l’écrivais déjà dans mon article l’an dernier, il inspirera des artistes comme Bob Dylan avec The Death of Emmett Till (1962) et le bluesman Eric Bibb avecEmmett’s ghost (2021).
L’affaire Emmett Till, par Jean-Marie Pottier, éditions 10/18, 240 pages, 8 euros.

© : Fondation pour la mémoire de l’esclavage.