© : Elemental Music.

Pour 2024, je vous propose deux listes des dix albums et des cinq livres qui ont selon moi marqué cette année, et début 2025, je publierai mes Top 10 et Top 5 dans les deux catégories. Le septième sur ma liste de disques est l’œuvre de B.B. King : « In France: Live at the 1977 Nancy Jazz Pulsations Festival ». Comme je l’écrivais ici le 2 novembre 2024, il ne s’agit pas d’un fond de tiroir mais bien au contraire d’un disque absolument remarquable, un enregistrement en public entièrement inédit. Ses albums studio sortis à l’époque ne sont sans doute pas les meilleurs de sa carrière, mais le bluesman était alors au faîte de sa popularité et ses prestations scéniques restaient des moments marquants. En outre, il bénéficiait à Nancy d’un accompagnement royal avec des musiciens qui méritent à nouveau tous la citation : Milton Hopkins (guitare), James Toney (orgue), Walter King (saxophone ténor), Kenneth « Cato » Walker (saxophone alto) (1), Eddie Rowe (trompette, irrésistible sur It’s just a matter of time), Joe Turner (basse) et Calep Emphrey, Jr. (batterie).

Nancy Jazz Pulsations Festival, Nancy, France, 7 octobre 1977. © : Jean-Marc Birraux / DALLE.

Au début, la prise de son peut surprendre avec la voix du « maître » qui semble inhabituellement gutturale, mais on s’aperçoit vite que cette production quelque peu « abrasive », pour ne pas dire virile car elle conserve certaines aspérités, est finalement parfaite pour restituer l’ambiance du concert, on s’y croirait ! À peine l’annonce de la présentatrice passée (« Et maintenant celui que vous attendez tous, B.B. King »), on est dans le bain avec l’intro Blue monk/Caldonia, la machine tourne à plein régime avec les cuivres qui claquent. Vient ensuite un premier blues lent, l’intemporel Sweet little angel, qui met particulièrement en avant la batterie de Calep Emphrey, Jr., impressionnant de bout en bout sur l’album (il se fend même d’un solo sur Why I sing the blues). Et puisque nous parlons des blues lents, arrêtons-nous sur I got some outside help (I don’t really need), parfait dans le genre avec une gestion des silences de la part de tous les musiciens qui installe une atmosphère étouffante à couper le souffle. En revanche, sur Sweet sixteen, c’est la densité qui prime.

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Quand le tempo accélère, on est souvent emporté par le maelstrom. The thrill is gone est juste magique, avec un accompagnement quasi religieux pour permettre à B.B. King de nous rappeler aussi quel chanteur il fut. L’approche sur certains morceaux ne pourrait s’envisager en studio et laisse la place à une improvisation dont le bluesman n’était pourtant pas nécessairement coutumier. Ainsi To know is to love you et son groove funky et débridé, son solo de guitare ébouriffant, ses cuivres et sa rythmique qui emportent tout. Ou encore l’instrumental When I’m wrong, qui installe la tension avec son faux départ, puis devient apocalyptique avec la guitare mais surtout l’orgue et la batterie dans une ambiance indescriptible. En ces instants, tout paraît permis. Pour conclure le concert, Have faith est forcément plus recueilli avec une magnifique partie d’orgue, et bien qu’il s’agisse encore d’un instrumental, il n’y a pas de redite… On signalera enfin des moments récréatifs avec les spectateurs à l’unisson, Blues instrumental avec le public qui réclame (et obtient !) un rappel, et bien sûr l’outro. Au bilan, un disque exceptionnel par sa qualité, mais également essentiel, et même salutaire, car il remet en avant un B.B. King totalement libéré lors d’un concert très différent de ses prestations plus tard dans sa carrière, et notamment dans les années 2000.

On doit les notes à Jean Buzelin, et les photos d’illustration à Jean-Marc Birraux, présent lors du concert, mais aussi à Jean-Pierre Leloir et Ozier Muhammad. D’abord sorti en vinyle le 29 novembre 2024 (Deep Digs avec Elemental Music et l’INA) à l’occasion du Record Store Day en édition limitée à 3 500 exemplaires, l’album est disponible en CD depuis le 6 décembre et se commande sur les plateformes habituelles. On peut également écouter la bande-annonce.

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(1) Contrairement à ce que je mentionnais dans mon article du 2 novembre en fonction du communiqué de presse, ce n’est pas Ronnie Williams III qui joue du saxophone alto, mais bien Kenneth « Cato » Walker comme l’annonce très clairement B.B. King lui-même sur Sweet little angel.