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© : Marmoset Music.
Bien qu’il nous laisse une quarantaine de faces dans les années 1950 et 1960, ce chanteur-guitariste, qui débuta sur scène comme sur disque avec Mighty Joe Young, est plutôt méconnu, pas parce qu’il manquait de talent mais parce qu’il n’a jamais vraiment songé sérieusement de vivre de sa musique. Il naît Oscar W. Wills le 10 février 1916 à Bethany, une communauté non incorporée partagée entre deux États : le nord se trouve dans la paroisse de Caddo, Louisiane, et le sud dans le comté de Panola, Texas. Pour faire plus simple, Bethany se trouve une trentaine de kilomètres au sud-ouest de la ville louisianaise de Shreveport, mais Wills semble s’être installé très jeune à Houston, Texas, où il a grandi et peut-être débuté dans la musique à partir des années 1930.
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© : Stefan Wirz.
On sait peu de choses de ses premières années, sinon qu’il a appris l’harmonica (un instrument qu’il n’utilise toutefois pas sur disque) et la guitare en écoutant à la radio les deux Sonny Boy Williamson, DeFord Bailey et Guitar Slim. Durant son service militaire lors de la Seconde Guerre mondiale, il se forme à l’électronique, et, de retour à la vie civile, il se marie et se fixe cette fois à Shreveport, où il ouvre en 1947 un magasin de réparation de radios, Oscar Will’s Radio Shop. En plus de son affaire, Wills se produit localement avec son groupe, les Heartbreakers, qui au milieu des années 1950 comprennent Mighty Joe Young à la seconde guitare, Eddie Williams au piano, peut-être Baby Joe Little à la basse et Jimmy White à la batterie. En plus de chanter et jouer de la guitare, Wills écrit aussi ses chansons, et vers 1955, il vend une de ses compositions, My Dolly Bee, au producteur Don Robey : deux ans plus tard, Junior Parker l’enregistre chez Duke en face B de Next time you see me, ce qui lui vaut un succès notable.
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Annonce de l’ouverture du magasin Oscar Will’s Radio Shop à Shreveport. © : Blue eye.
Oscar Wills décide alors de fonder son propre label, Speed, pour lequel il réalise son premier single en décembre 1955, The fight/Darling remember, sous le nom de T.V. Slim. En effet, il est désormais également spécialisé dans la réparation de télévisions dans son magasin, et ce pseudonyme lui est suggéré par une de ses connaissances, Stan Lewis, qui lancera Jewel Records en 1963 à Shreveport… Après un deuxième single en juin 1956 avec seulement Eddie Williams au piano, il grave en mai 1957 une première version de l’humoristique Flatfoot Sam pour la petite marque Clif. Grâce à Stan Lewis qui connaît le staff de Chess à Chicago, il réenregistre la chanson un mois plus tard pour Argo (filiale de Chess) avec la formation bien plus consistante du pianiste Paul Gayten, notamment enrichie de trois cuivres ! Entré dans le Top 100 de Billboard grâce au morceau en face B (Nervous boogie, sans T.V. Slim), c’est le plus grand et seul succès de T.V. Slim.
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© : Stefan Wirz.
En 1959, T.V. Slim déménage à Los Angeles en Californie, où il continue de mener de front ses deux activités, son magasin de réparation (Ideal Music and T.V. Repair Shop) et la musique. Il poursuit ses enregistrements jusqu’en 1968, la plupart pour son label Speed et quelques autres pour de petites marques (Timbre, Excell, Pzazz, Ideel), sous les noms de T.V. Slim ou d’Oscar Wills, ou avec divers groupes comme les Heartbreakers, His Bluesmen, His Good Rockin’ Band, The Soul Brothers. La discographie de T.V. Slim est d’ailleurs confuse et très difficile à reconstituer, avec des incertitudes selon les sources sur les dates, les lieux, les personnels, les titres des chansons… J’ai choisi de faire confiance à Gérard Herzhaft, auteur dans le registre d’un travail remarquable et qui propose sur son blog un article et l’intégrale (« Complete Recordings ») des enregistrements du bluesman. Avec son sens de l’humour, sa voix prenante et sa guitare tranchante, T.V. Slim proposait un blues généralement frais et entraînant, mais il était aussi capable d’interprétations très « terriennes ». Il méritait donc l’attention et envisageait peut-être de donner plus de place à la musique pour que sa carrière entre dans une autre dimension. Mais on ne le saura jamais. Le 21 octobre 1969, en rentrant chez lui après un concert à Chicago, il s’endort au volant de sa voiture et se tue près de Kingman, Arizona. Il avait cinquante-trois ans.
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© : Blue eye.
Voici maintenant une sélection de chansons en écoute.
– The fight en 1955.
– Flatfoot Sam en 1957.
– Don’t reach across my plate en 1959.
– My baby is gone en 1960.
– Bad understanding blues en 1962.
– Gravy around your steak en 1962.
– Juvenile delinquent en 1966.
– Don’t knock the blues en 1968.
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