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Earl Bell et Dewey Corley en 1971. © : G.L. Moore / Blues Unlimited / Stefan Wirz.
Dans les années 1960, le Blues Revival participe à la reconnaissance internationale du blues selon plusieurs axes : les premières tournées européennes de l’American Folk Blues Festival, l’essor du British Blues Boom, le changement de registre d’artistes renommés qui évoluent vers un style acoustique plus « authentique », la redécouverte de pionniers qui n’avaient plus enregistré depuis les années 1920 ou 1930, enfin la véritable découverte de bluesmen qui n’avaient rien enregistré jusque-là. Earl Bell, qui aurait fréquenté Robert Johnson, appartient à cette dernière catégorie : entre 1964 et 1973, ce chanteur-guitariste de Country Blues actif à Memphis a gravé seulement quinze faces mais elles sont exemplaires.
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Earl Bell et Memphis Sonny Boy. © : Blue eye.
Earl L. Bell voit le jour le 19 février 1912 ou 1914 sur une plantation proche d’Hernando au nord du Delta, à quelque 30 kilomètres de Memphis. Ses parents sont très attachés à la religion, et leur fils commence à jouer du diddley bow en cachette, quand ils sont absents. Il acquiert toutefois une guitare et écrit sa première chanson, Stella girl, en référence à la compagne de son frère. Mais là encore, s’il joue avec des amis du voisinage, tous doivent cacher leurs instruments dans un fossé près de chez eux. Il est possible qu’il ait aussi appris au contact d’autres chanteurs-guitaristes originaires d’Hernando plus âgés que lui dont Robert Wilkins, Joe Calicott, Garfield Akers et Dan Sane, mais il était assurément autodidacte. Au début des années 1930, il aurait joué avec Robert Johnson et même écrit Terraplane blues, mais ces faits sont sujets à caution.
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Earl Bell et Mose Vinson en 1971 au National Folk Festival, Vienna, Virginie. © : Herbert Wise / Sing Out! / Stefan Wirz.
En tout cas, contrairement aux artistes cités plus haut, Bell est trop jeune pour enregistrer d’autant que l’industrie musicale subit comme les autres secteurs les effets de la Grande Dépression dans les années 1930. Il parvient toutefois à tourner jusque dans l’Arizona, notamment avec un musicien tout aussi inconnu que lui, Morris Johnson, avant de se fixer à Memphis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Bell se produit évidemment sur Beale Street, surtout avec l’harmoniciste Marshall Jones aka Memphis Sonny Boy et le guitariste Walter Miller, tout en exerçant, selon Gérard Herzhaft sur son blog « Blue eye », « divers métiers dont celui de garde-barrière ».
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© : Blue eye.
On retrouve ensuite Earl Bell le 26 mai 1964, qui enregistre sept chansons à Memphis (dans l’appartement de Will Shade, un des fondateurs du Memphis Jug Band en 1926 !) pour le Suédois Olle Helander de la Swedish Radio Station, mais seulement deux sont éditées, Travellin’ man et Terraplane blues (les autres le seront en 2004 par le label Jefferson). Trois ans plus tard, en septembre 1967, Bell grave onze faces supplémentaires, accompagné sur certaines d’entre elles par Abe McNeil (voc, g) et Johnny Woods (hca). L’historien, musicologue et producteur George Mitchell est à l’origine de six de ces morceaux, qui là encore seront publiés bien plus tard, en 2006 par Fat Possum. Le bluesman signera deux autres titres, Catfish blues en juin 1970 avec son vieux complice Memphis Sonny Boy, et Travellin’ blues le 13 mai 1973. Ensuite, la santé d’Earl Bell décline, et sans avoir eu l’opportunité de tourner en Europe malgré son indéniable talent, il s’éteint le 4 juillet 1977 à soixante-trois ou soixante-cinq ans. Comme souvent, Gérard Herzhaft est le seul à proposer une intégrale de ses enregistrements, « Complete Recordings ». J’y ajoute une vidéo YouTube de la séance menée par George Mitchell qui démontre toute l’implication de ce bluesman.
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