© : Teaching the Journal of American History.

Dans les années 1920, les compagnies discographiques sont presque toutes la propriété de Blancs. En 1919, l’Afro-Américain George Wellington Broom fut le premier à essayer de briser cette hégémonie en lançant Broome Special Phonograph Records. Il sortit en tout et pour tout douze chansons, œuvres de compositeurs-arrangeurs de classique et de chanteuses lyriques : Edward Boatner, Harry T. Burleigh, Florence Cole-Talbert, Antoinette Garnes et Clarence Cameron White. Sans moyens, Broome réceptionnait les commandes par courrier et envoyait les disques depuis son domicile. Sa marque disparaît en 1920. Mais l’année suivante, Harry Pace bénéficie de soutiens financiers bien supérieurs, notamment celui de The Crisis, la revue officielle de l’influente NAACP (National Association for the Advancement of Colored People, Association nationale pour la promotion des gens de couleur).

Carroll C. Clark. © : Discogs.

De novembre 1920 à mai 1921, sous le nom de label Arto, Pace enregistre déjà des chanteuses de blues classique dont Lucille Hegamin. En mai 2021, le premier disque Black Swan (dont le nom s’inspire de la chanteuse d’opéra Elizabeth Taylor Greenfield, surnommée « The Black Swan », le cygne noir) est gravé sous la référence 2001. On le doit à la chanteuse soprano Revella Hughes, mais très vite le catalogue s’ouvre aux traditions folkloriques avec le chanteur-banjoïste Carroll C. Clark, et au blues avec la chanteuse Katie Crippen. Black Swan enregistre ensuite quelques-unes des meilleures chanteuses de blues classique comme Alberta Hunter et Ethel Waters, faisant de ce label le premier d’importance géré par des Afro-Américains, qui en assurent aussi la distribution et la promotion. Il faudra attendre les années 1950 pour retrouver un phénomène comparable.

Premier single de Black Swan. © : Discogs.

Inévitablement, l’avènement de musiques populaires comme le jazz (premier disque en 1917) et le blues (né sur la « cire » en 1920) favorisent un développement de l’industrie discographique et l’apparition de nouvelles compagnies attirées par ce marché lucratif. Black Swan tente de se faire une place et parvient à enregistrer la formation de W.C. Handy (Handy’s Memphis Blues Band), le célèbre pianiste de jazz James P. Johnson, les chanteuses Nettie Moore et Trixie Smith, des précurseurs du gospel comme les Harrod’s Jubilee Singers… Mais cela ne suffit pas. En décembre 2023, Black Swan fait faillite, puis la marque est rachetée en mars 1924 par les disques Paramount, qui figurent parmi les poids lourds de l’industrie discographique dans les années 1920. Mais Black Swan aura poussé une porte grinçante, et la qualité du catalogue qu’il nous lègue en témoigne, tout comme la sélection de dix chansons en écoute qui suit.

© : Women’s Song Forum.

At dawning par Revella Hughes en 1921, sans rapport avec le blues mais historique car premier disque Black Swan.
De little old log cabin in the lane par Carroll C. Clark en 1921.
Blind man blues par Kattie Crippen en 1921, premier enregistrement pour cette chanteuse qui accompagna ensuite Fats Waller et Count Basie !
Bring back the joys par Alberta Hunter en 1921, son premier enregistrement.
Down home blues par Ethel Waters & Cordy Williams’ Jazz Masters en 1921.
Harlem strut par James P. Johnson en 1921.
Desperate blues par Trixie Smith en 1922, son premier enregistrement.
Yellow dog blues par le Handy’s Memphis Blues Band.
Rise and shine par les Harrod’s Jubilee Singers en 1922.
Coney Island babe par l’Excelsior Norfolk Quartette en 1922.

 

© : Genius.