Nouveauté

Au programme de mon émission sur YouTube, Johnny Young (rubrique « Un blues, un jour »), et Mighty Mo Rodgers (rubrique « Nouveauté de la semaine »).

Johnny Young 1967

Un premier cycle d’une semaine (et donc d’articles en rapport sur ce site !) s’est achevé. Pour entamer cette deuxième semaine, j’ai souhaité évoquer Johnny Young (1918-1974), qui enregistra avec l’harmoniciste Big Walter Horton le 27 novembre 1967, il y a 51 ans aujourd’hui, un formidable album intitulé « Chicago Blues » qui sortira chez Arhoolie l’année suivante. Né le 1erjanvier 1918 à Vicksburg (ville qui marque la limite sud de la fameuse région du Delta, Mississippi), ce chanteur, guitariste et mandoliniste arrive à Chicago au tout début des années 1940, où il va collaborer avec plusieurs grands harmonicistes dont Sonny Boy Williamson I, Little Walter ou encore Snooky Pryor. Il est vrai que sa voix expressive aux accents traînants et son jeu de guitare (et de mandoline !) très rythmé sont des traits caractéristiques d’un blues certes moderne mais encore marqué par les racines sudistes, un style dont s’accommode très bien les harmonicistes… De la même génération que Muddy Waters et consorts, Young, auteur de ses premières faces en 1947 (voir le volume 13 de la série « Chicago/The Blues Yesterday! » de Gérard Herzhaft), avait incontestablement le talent pour s’imposer lors de l’âge d’or du blues moderne des années 1950, mais avec du recul, il est possible qu’il n’ait justement pu réellement le faire car sa propre musique était en quelque sorte « trop » traditionnelle…

Johnny Young 1966

D’ailleurs, hormis quelques apparitions en 1956 sur des singles de Snooky Pryor, il n’enregistre rien dans les années 1950, tout en restant actif dans les clubs et surtout dans les rues : on le voit notamment souvent sur Maxwell Street dont il est un « pilier »… Il doit attendre le début des années 1960 pour profiter du Blues Revival et relancer sa carrière discographique en participant à des séances dispersées sur plusieurs compilations, les deux comportant le plus de morceaux étant « Modern Chicago Blues » (Testament, période 1962-1964) et « Southside Chicago » (Python, 1964). En novembre 1965, il enregistre pour Arhoolie un premier album complet « Johnny Young and his Chicago Blues Stars » (qui sort l’année suivante), avec déjà un casting royal : Otis Spann au piano, James Cotton à l’harmonica, Jimmy Lee Morris à la basse et S.P. Leary aux fûts. À peine un mois plus tard, il retrouve les studios (avec cette fois Big Walter à l’harmonica) et signe six titres sur l’anthologie « Chicago / The Blues / Today! Vol. 3 » chez Vanguard. Enfin, le 27 novembre 1967, c’est l’album « Chicago Blues »… Les deux albums Arhoolie (« Johnny Young and his Chicago Blues Stars » et « Chicago Blues ») seront ensuite réédités en 1990 sur CD, malheureusement également sous le titre « Chicago Blues » ! En outre, pour ajouter à la confusion, deux des dix morceaux de l’album original « Chicago Blues » ne figurent pas sur la réédition, dont Sleeping with the Devilque je diffuse dans mon émission… En 1969, il privilégie la mandoline pour l’album sorti en 1970 chez Blue Horizon, « Fat Mandolin », là encore très bien entouré : Paul Osher (hca), Otis Spann (p), Sammy Lawhorn (g/b) et S.P. Leary (dm). Un autre disque dédié à l’instrument sort en 1971 chez Blues on Blues, rapidement retiré des bacs suite à des problèmes techniques. Ensuite, Johnny Young collabore régulièrement avec le pianiste Bob Riedy, prend part en 1972 à la tournée de l’American Folk Blues Festival et sort en 1974 chez Bluesway un album assez décevant, « I Can’t Keep My Foot From Jumping ». Il avait pourtant encore largement les moyens de poursuivre une carrière intéressante, mais il est mort cette même année à 56 ans.

 

THE VIRUS - front cover

Pour ma nouveauté de la semaine en deuxième partie d’émission, je vous propose Mighty Mo Rodgers, artiste engagé à différents niveaux. C’est d’abord un ardent défenseur de sa musique et plus particulièrement du blues, qui selon lui incarne la vérité : « Blues is truth » est assurément sa phrase fétiche, et même son mantra. Très attaché à la cause afro-américaine, à ses origines et à la lutte pour les droits civiques, il s’engage depuis toujours dans ces domaines avec conviction. Et il ne manque jamais de fustiger une industrie musicale qui ne donne pas assez de place aux musiques dont il est un des protagonistes les plus intéressants de ces 20 dernières années. Il condamne enfin nos comportements, la pollution, la ségrégation et les conflits qui conduisent l’humanité à sa perte. C’est d’ailleurs en gros le thème de son dernier album, « The Virus » (Drinking Gourd Records), auquel il donne une couleur churchy plus marquée que précédemment, ce qui l’aide sans doute à donner plus de poids à son message. N’oublions surtout pas qu’à 76 ans (il est né le 24 juillet 1942), il reste un chanteur habité à la voix déchirante et soulful, doublé d’un excellent pianiste-organiste. Ce disque « The Virus » est une merveille de plus dans sa discographie, avec comme toujours chez lui des textes tantôt percutants, tantôt porteurs d’espoir, mais toujours d’une rare force évocatrice. Il contient également quelques surprises avec des incursions vers le hip-hop, mais j’ai retenu pour mon émission un titre plus churchy (il s’accompagne du groupe de gospel les Starlights), « Troubled Times ».

TheVirusCoverBackWLogo3

Pour aller plus loin, exceptionnellement, je ne propose pas ici une discographie sélective, d’abord car les disques de Mighty Mo sont tous d’un excellent niveau. Mais aussi car il s’agit souvent de concept-albums, chacun ayant (et racontant) en quelque sorte sa propre histoire au sein d’une œuvre globale, que l’artiste appelle d’ailleurs « Blues Odyssey ». Voici simplement la liste de ses albums dans l’ordre de parution depuis 1999 : « Blues Is My Wailin’ Wall », « Red, White & Blue », « Black Paris Blues », « Redneck Blues », « Dispatches from the Moon », « Cadillac Jack », « Mud ‘n Blood: A Mississippi Blues Tale » « Griot Blues » et donc « The Virus ».