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Au programme de mon émission sur YouTube, John Lomax avec en illustration musicale James « Iron Head » Baker et Moses « Clear Rock » Platt (rubrique « Un blues, un jour »), et Alain Giroux (rubrique « Sur scène »).

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© : Library of Congress Prints and Photographs Division / Houston Public Media.

John Lomax nous a quittés il y a tout juste 71 ans, le 26 janvier 1948. Musicologue, folkloriste ou bien encore découvreur de talents, il est sans doute le plus célèbre dans sa catégorie, et il nous laisse un patrimoine inégalable dans les domaines des traditions musicales populaires, même s’il se consacrera au blues et aux courants afro-américains plutôt en fin de carrière. John Avery Lomax est né le 23 septembre 1867 à Goodman, une ville du Mississippi située une trentaine de kilomètres à l’est du Delta. Mais s’il vient de « l’État du blues », il n’y a pas grandi car sa famille s’est installée en 1869 dans le Texas, quand il n’avait que 2 ans. Et c’est là-bas, dans la région de Meridian au centre du Texas, qu’il rencontra en 1875 Nat Blythe, un ancien esclave désormais au service de son père qui dirige une exploitation agricole. La relation fut étroite et fructueuse car Lomax enseigna l’écriture et la lecture à Blythe, ce dernier lui apprenant des chants traditionnels. On peut légitimement penser que sa vocation a germé dès cette époque…

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© : Booked Up.

Mais la gestation sera longue. Lomax préfère donner la priorité à de longues études universitaires et entame un cursus qui le mènera dans différentes universités. Il décrochera un diplôme de littérature anglaise tout en suivant un programme de grec et de latin, enseignera donc les langues, sera rédacteur en chef du University of Texas Magazine, entres autres… Au début du siècle dernier, il s’intéresse toutefois de plus en plus au folklore et en particulier aux chants de cow-boys, la country n’existant pas encore. Et en 1906, Lomax se retrouve à la prestigieuse université d’Harvard, où des chercheurs du département des American Folklore Studies vont l’encourager à persévérer dans la voie des traditions folkloriques. De retour au Texas, il ajoute une maîtrise de lettres à son bagage. En 1907, à l’âge de 40 ans, il rédige ses premiers travaux sur les chansons de cow-boys afin de les intégrer à ses cours, mais une grève estudiantine retarde son projet. Il décide de le publier en 1910, sous le titre Cowboy Songs and Other Frontier Ballads, avec une introduction de l’ancien président Théodore Roosevelt qui lui vaut une large reconnaissance quasi immédiate.

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James « Iron Head » Baker. © : last.fm.

Parallèlement, John Lomax, cofondateur en 1909 de la Texas Folklore Society, va ensuite multiplier les conférences et autres rencontres dans tout le pays pour faire connaître les musiques populaires, tout en poursuivant la publication de ses recherches, qui culminent sans doute en 1916 avec la sortie de son encyclopédie monumentale The Book of Texas, réalisée avec Harry Yandall Benedict. Ensuite président de l’association des anciens étudiants de l’université du Texas à partir de 1919, il va connaître une succession de désagréments. Pour des raisons politiques, il doit d’abord abandonner son mandat en 1925 et commence à travailler pour une banque à Dallas. Il est hélas victime de la crise de 1929, et comme si cela ne suffisait pas, il perd deux ans plus tard sa femme Bess Brown, âgée de 50 ans. Désormais âgé de 65 ans, John Lomax est donc veuf, endetté, sans emploi et père de quatre enfants dont le plus jeune n’a que 10 ans.

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Moses « Clear Rock » Platt. © : Picryl.

Cette triste période va pourtant déboucher sur la phase des travaux de Lomax qui nous intéresse le plus directement. Car son fils aîné John, Jr. l’incite à reprendre ses tournées de conférences, auquel il va d’ailleurs participer comme chauffeur, avant d’être relayé un peu plus tard par le cadet Alan. En 1932, John Lomax rencontre l’éditeur Macmillan à New York, propose une nouvelle anthologie de chansons folkloriques tout en demandant désormais l’intégration d’artistes afro-américains. Non seulement sa requête est acceptée, mais cela marque aussi le début de sa collaboration avec la Bibliothèque du Congrès à Washington. Jusqu’en 1942, avec son fils Alan et sa deuxième femme Ruby à partir de 1934, John Lomax part donc pour une impressionnante série de campagnes de terrain durant lesquelles il va enregistrer de nombreux bluesmen y compris dans les établissements pénitentiaires pourtant peu enclins à ouvrir leurs portes en cette période de ségrégation. S’il fallait citer un seul exemple, Lead Belly (dont Lomax fut à l’origine de la libération) vient d’abord à l’esprit, mais c’est réducteur tant il immortalisa bien d’autres artistes méconnus et talentueux dont on n’aurait rien su sans ses recherches et travaux. À nouveau président de la Texas Folklore Society de 1940 à 1942 et conservateur des archives du folklore de la Bibliothèque du Congrès jusqu’à sa mort à l’âge de 80 ans en 1948, il a publié l’année précédente son autobiographie Adventures of a Ballad Hunter. En juillet 1933, il enregistra pour la première fois deux artistes dans un registre proche du blues, même s’il s’agit plutôt de chants de travail, James « Iron Head » Baker and Moses « Clear Rock » Platt, emprisonnés à Sugar Land au Texas. J’ai retenu un morceau de ce duo pour mon émission, Old Rattler.

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© : YouTube.

La page « Sur scène » du jour est un peu spéciale aujourd’hui car il s’agit de rendre hommage à Alain Giroux, qui aurait eu 77 ans ce 26 janvier 2019, mais qui nous a hélas quittés le 8 novembre 2018 à l’âge de 76 ans. J’avoue qu’il s’agit aussi d’une « spéciale dédicace » à l’attention de Grégory Aubert (alias Grego Rit sur Facebook, voir aussi son site Internet), l’illustrateur qui travaille actuellement sur l’adaptation en BD de mon roman Charlie n’est pas mort en vain – Le blues en héritage, et dont Alain Giroux fut le professeur de guitare. J’accède évidemment avec plaisir à sa requête ! Pour revenir à Alain Giroux, ce chanteur et guitariste français originaire de Troyes fit incontestablement partie des pionniers du blues en France, même s’il se consacrait aussi au folk et au ragtime. Car ses premières influences viennent d’abord des grands du blues, de Big Bill Broonzy à Robert Johnson, en passant par Blind Lemon Jefferson et le révérend Gary Davis. D’ailleurs, on le retrouve dès 1970 aux côtés de gens comme Bill Deraime et autre Jean-Jacques Milteau.

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Plus tard dans sa carrière, il fera partie de duos fameux, notamment avec le violoniste et mandoliniste Jean-Louis Mahjun, et plus récemment avec l’harmoniciste Jean-Marc Hénaux. Outre ses propres disques, Alain Giroux fut donc un professeur émérite de guitare, auteur d’ouvrages et de méthodes qui font référence. Mais il était également très à l’aise à la slide, comme en témoigne l’extrait choisi pour mon émission, évidemment en concert pour respecter la tradition de cette rubrique du samedi. Ça s’appelle Train Story et c’est tiré d’un show de 2006 en Espagne.

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En 2014 avec Jean-Marc Hénaux au Hall Blues Club à Pélussin (42). © :Jean-Philippe Porcherot.