Les temps du gospel copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Rockin’ Dopsie (rubrique « Un blues, un jour »), et Arizona Dranes (rubrique « Les temps du gospel »).

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Né le 10 février 1932, il aurait donc eu 87 ans aujourd’hui, Rockin’ Dopsie est assurément l’un des meilleurs représentants du zydeco avec des artistes comme Clifton Chenier et Buckwheat Zydeco. Tous trois incarnèrent en effet à merveille le versant le plus traditionnel de cette musique, et tous trois contribuèrent grandement à sa popularité à un stade planétaire. S’appelant en réalité Alton Jay Rubin, il vient de la ville de Carencro en Louisiane, aujourd’hui une banlieue nord de Lafayette. Élevé dans la ruralité au sein d’une famille créole (il sera donc un garant de cette culture en chantant très souvent en français), il cueille le coton et coupe la canne à sucre. Il apprend l’accordéon avec son père qui joue localement, et qui finit par lui en acheter au moment de ses 14 ans : mais comme l’adolescent est gaucher, il doit s’adapter en jouant « à l’envers », ce qui ne l’empêchera pas de devenir un instrumentiste accompli. Il deviendra vite meilleur que son géniteur, et après s’être installé avec sa famille à Lafayette, il formera avec son cousin Chester Zeno au frottoir son propre groupe, avec lequel il se produira dans les clubs au milieu des années 1950.

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© : Discogs

Comme le firent bon nombre de ses pairs, Dopsie intègre des ingrédients du R&B à sa musique pour la rendre plus attractive, d’autant qu’il est lui-même un excellent danseur. D’ailleurs, il aurait emprunté son pseudonyme à un danseur de Chicago de passage à Lafayette du nom de Doopsie, même si un des deux « o » a été perdu en route… Mais il ne se résout pas tout de suite à abandonner son travail régulier (il s’occupe d’une petite entreprise d’électricité), et ne se lance vraiment que dans les années 1970 en signant des singles pour des labels locaux comme Blues Unlimited et Maison de Soul. Il tourne alors plus régulièrement, ce qui lui vaut d’être programmé au festival de La Nouvelle-Orléans, et remarqué par le label suédois Sonet pour lequel il enregistre un premier album en 1976 avec ses Twisters, « Doin’ the Zydeco », avec un certain Sam Charters aux « manettes »…

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© : Discogs

La formule se répète plusieurs fois jusqu’en 1981 avec six nouveaux albums mettant en scène les mêmes protagonistes, dont un pour Rounder en 1977 (« Rockin’ Dopsie and the Twisters ») et un autre en 1981 partagé avec l’excellent saxophoniste John Hart, « The Blowin’ Man ». Entre-temps, Dopsie a débuté en 1979 une série de tournées en Europe, où le zydeco est très populaire depuis quelques années, et notamment depuis la venue de Clifton Chenier. En outre, Dopsie s’exprime en créole et il est très apprécié du public français. Il contribue donc à la reconnaissance du zydeco sur le Vieux Continent avant de regagner de la popularité sur son propre sol dans les années 1980. En 1986, sa participation à l’album « Graceland » de Paul Simon donne encore plus d’élan à sa carrière, et il travaillera aussi avec Bob Dylan et Cindy Lauper ! Il signera d’autres albums exemplaires dont« Louisiana Music » en 1991 qui sera nominé aux Grammys Awards. Il n’en fera hélas pas d’autre, étant foudroyé le 26 août 1993 par une crise cardiaque à l’âge de 61 ans… Ses fils ont toutefois repris le flambeau avec vigueur, les deux plus célèbres étant Dwayne Dopsie et Rockin’ Dopsie, Jr. Pour mon émission, j’ai pris un morceau en public de 1984, Louisiana Two Step.

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© : AllMusic

 

Pour la page gospel du dimanche, nous allons remonter aux premières heures du style. Du moins, du gospel enregistré. Car les véritables origines de cette musique sont très anciennes et remontent sans doute au XVIIe siècle… Mais c’est réellement dans le dernier quart du XIXe siècle, un peu comme pour le blues, que cette musique va se structurer pour prendre la forme que l’on connaît aujourd’hui. Cela commencera avec les negro spirituals, eux aussi d’origine très ancienne, et des groupes vocaux a cappella. Je vous invite à ce titre à lire mon article du 19 décembre 2018 qui s’arrêtait sur les groupes vocaux des années 1890, et notamment le Unique Quartette. Puis, progressivement, à partir des années 1920, avec le développement de la radio et bien sûr du disque, on ajoutera de l’accompagnement, surtout du piano au début, et le gospel sortira en quelque sorte des églises.

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© : Discogs

Parmi les pionniers de ce courant fondateur, la chanteuse et pianiste Arizona Dranes tient une place essentielle. Non seulement elle sera la première à introduire le piano ragtime et barrelhouse dans le gospel, mais sa voix de tête inspirera les plus grandes vocalistes du genre. C’est manifeste quand on écoute Sister Rosetta Tharpe, qui a d’ailleurs vu Dranes sur scène quand elle avait une dizaine d’années. Quant à Thomas A. Dorsey (qui fera aussi carrière dans le blues sous le nom de Georgia Tom), que l’on appelle aujourd’hui très volontiers le père du gospel, il reconnaîtra l’influence de Dranes au piano. Arizona Dranes est donc bien une grande pionnière et une figure essentielle dans l’histoire du gospel. Née aveugle au Texas le 4 mai 1889 ou 1891, elle n’a enregistré que 16 morceaux pour OKeh de 1926 à 1928, mais tous sont fondateurs et avant-gardistes pour l’époque. Elle a ensuite poursuivi sa carrière musicale et bien sûr religieuse, avant de décéder le 27 juillet 1963, à 72 ou 74 ans. Pour en savoir plus sur cette artiste, je vous conseille vivement la lecture du livre de Michael Corcoran He Is My Story – The Sanctified Soul of Arizona Dranes, qui comprend aussi un CD avec l’intégrale de ses enregistrements (Tompkins Square). Pour mon émission, j’ai choisi un morceau de sa première séance du 17 juin 1926, My Soul Is a Witness for the Lord.

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© : Discogs