Au programme de mon émission sur YouTube, Uncle John Scruggs (rubrique « Un blues, un jour »), et Matthieu Boré (rubrique « Blues in France »).
Dès sa sortie le 20 mars 1852, le roman d’Harriet Beecher Stowe intitulé Uncle Tom’s Cabins’arrache et le tirage initial est vite épuisé. Nul n’imagine alors pourtant que cet ouvrage connu dont le titre français est La case de l’oncle Tom deviendrait le roman le plus vendu dans le monde au XIXe siècle, et même le deuxième livre tous genres confondus après la Bible… Préalablement publié en 40 épisodes dans l’hebdomadaire The National Era à partir du 5 juin 1851, il se base sur la vie de Josiah Henson (1789-1883), un esclave du Maryland qui s’enfuit pour le Canada, ce qui n’est pas sans rappeler le réseau de l’Underground Railroad que j’ai évoqué dans mon émission et dans un article le 10 mars dernier. Beecher Stowe était une ardente abolitionniste et l’énorme succès rencontré par son livre prit place parmi les événements qui attiseront les tensions entre Nordistes et Sudistes à l’approche de la Guerre de Sécession. Le président américain Abraham Lincoln aurait même dit à Beecher Stowe : « Voilà donc la petite dame à l’origine de cette grande guerre… »
Quant à Josiah Henson, au Maryland, il vécut dans une cabane sur une plantation comme il en exista énormément à l’époque de l’esclavage. Pour illustrer cela, j’ai programmé un document assez exceptionnel qui n’est toutefois pas complètement inconnu car on l’a vu circuler sur Facebook. Cela date du 8 novembre 1928 et on y voit le chanteur et banjoïste Uncle John Scruggs interpréter Little Log Cabin Round the Lane. Il importe de préciser que Scruggs est né esclave en 1855, soit seulement trois ans après la publication de l’édition originale de La case de l’oncle Tom, ou encore six avant le début de la Guerre de Sécession… Dans la vidéo, on voit Scruggs dans une ambiance indescriptible, entouré de volailles puis de gamins qui dansent devant une cabane qui pourrait rappeler celle de l’oncle Tom, même s’il n’était heureusement plus question d’esclavage en 1928… Certes, musicalement, on est plus près du folk que du blues, mais c’est un vrai document, et à l’époque, il était rarissime que l’on filme des musiciens noirs, surtout dans les régions rurales. C’est enfin le seul témoignage enregistré de Scruggs…
En guise de nouveauté de la semaine, je vous propose de découvrir un extrait du dernier album de Matthieu Boré, sorti chez Bonsaï Music et intitulé « Gumbo Kings ». Alors bien sûr, on associe plus volontiers ce chanteur français né en 1971 au jazz, même si on relève qu’il a en fait débuté dans le rock. Mais il faut prendre le temps de consulter attentivement sa discographie, d’ailleurs plutôt étoffée car il totalise désormais neuf albums. Dès lors, on constate un attachement à l’égard de la musique de La Nouvelle-Orléans, avec un premier disque en 2001 consacré à Fats Domino, « Fats Domino True Spirit » (Early Rock ‘N’ Roll) et un autre en 2012 simplement intitulé « Roots » (Bonsaï Music) mais plus franchement orienté funk. Il ne manque donc pas d’éclectisme, surtout qu’il ne faut pas oublier que son deuxième album en 2003 s’appelait « Doo-Wop » (autoproduit).
Alors, forcément, à la lecture du titre de ce nouveau disque, on se dit que ces « Gumbo Kings » vont encore très certainement nous emmener dans la grande ville de Louisiane. C’est effectivement le cas, et on a droit à 12 compositions originales pleines de cette verve et de ces couleurs qui dessinent le tableau de la musique locale, les pinceaux étant la voix de Matthieu Boré et les instruments à la fois bariolés et même épicés, dont son piano, le saxophone et la clarinette, la contrebasse, les chœurs, sans oublier la batterie d’un maître du genre, Jeff Boudreaux. Alors ce n’est pas du blues dans le sens terrien du terme, mais une musique enlevée et fraîche, virevoltante et légère, en plein dans la tradition et dans l’esprit des créateurs du R&B et du funk de La Nouvelle-Orléans. Vous pourrez d’ailleurs voir Matthieu Boré au Bémol5 à Lyon les 22 et 23 mars et au Sunset à Paris les 5 et 6 avril. En attendant, j’ai choisi pour mon émission un extrait intitulé Lottie Mo.
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