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Au programme de mon émission sur YouTube, B.B. King (rubrique « Un blues, un jour ») et Tony Holiday (rubrique « Les temps du gospel»).

Partons aujourd’hui pour le Mississippi, environ 80 kilomètres au sud de Vicksburg, plus précisément à Fayette, où un certain Charles Evers a été élu maire le 13 mai 1969, il y a tout juste 50 ans. C’était la première fois qu’un Afro-Américain était élu maire d’une ville du Mississippi depuis la Reconstruction, soit la période qui suit la fin de la Guerre de Sécession et donc l’abolition de l’esclavage, en 1865, plus d’un siècle plus tôt. Mais le parcours de ce personnage sera assez particulier et marqué par une certaine ambiguïté. Né James Charles Evers le 11 septembre 1922 à Decatur, Mississippi, il est élevé avec son frère de trois ans son cadet, Medgar, dont il sera très proche : ils fréquenteront les mêmes écoles et serviront ensemble dans l’armée durant la Seconde Guerre mondiale. Dès 1951, les deux frères s’impliquent dans la lutte pour les droits civiques, et Medgar sera assassiné en 1963 par un membre du Ku Klux Klan. À l’époque proche du président Kennedy, Charles Evers sera influent au plus haut niveau, postulera au poste de gouverneur en 1971 et au Sénat en 1978, et commencera à ce moment-là à cultiver d’étranges contradictions.

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© : Clio

Ainsi, il critiqua les associations en faveur des droits civiques, adhéra au parti républicain en 1978 et soutint la candidature de Ronald Reagan en 1980. Pourtant, bien plus tard, en 2009, il se félicitera de l’élection de Barack Obama. Enfin, en 2016, ultime volte-face, il soutiendra Donald Trump en disant qu’il croyait en lui car c’était un homme d’affaires… Mais Evers eut une autre vie que sa carrière politique ne laisse pas soupçonner, qui le mènera à jouer un rôle dans le monde du blues. Dès la première moitié des années 1950, il vit à Philadelphia à l’est du Mississippi où il exerce diverses activités, comme la gestion d’affaires de pompes funèbres et de taxis, tout en tâtant au trafic d’alcool… Il anime également une émission de radio et s’occupe d’un club qui programme des bluesmen. En 1956, pour échapper aux menaces des ségrégationnistes, il s’installe à Chicago, où il trempe cette fois dans le milieu de la prostitution et du jeu clandestin. Parallèlement, il gère trois boîtes de nuit où il fait venir les plus grands bluesmen dont Muddy Waters, Elmore James et B.B. King.

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En 2017 dans le studio de sa radio WMPRà Jackson. © : Delta Daily News

De retour dans le Mississippi après l’assassinat de son frère en 1963, il deviendra donc maire de Fayette tout en se liant d’amitié avec B.B. King. Pour le dixième anniversaire de la mort de son frère, c’est d’ailleurs B.B. qui le poussera à créer en 1973 le Medgar Evers Homecoming (que j’ai malencontreusement situé 10 ans plus tôt dans mon émission, je m’en excuse), un événement musical et artistique sur fond de politique qui existe toujours. Pour sa part, B.B. King y jouera gratuitement chaque année jusqu’à sa mort, et Evers sera introduit au R&B Hall of Fame en 2017… A priori, alors qu’il aura 97 ans en septembre prochain, Charles Evers dirige toujours à Jackson la radio WMPR, spécialisée dans le blues, le R&B, la soul, le gospel et un peu le reggae… Pour mon émission, j’ai choisi un document rare montrant B.B. King en juin 2013 lors d’un gala pour le 50anniversaire de la mort de Medgar Evers, le frère de Charles. Un B.B. alors âgé de 87 ans mais en belle forme…

 

Pour ce « Top of Blues », arrêtons-nous comme chaque mois sur les deux classements mensuels du CRB, le Collectif des radios bluesqui compte une cinquantaine de stations. Il y a d’abord l’Airplay, avec les albums les plus diffusés dans ses émissions. Pour avril 2019, le podium se compose d’Awek pour « Let’s Party Down », de Big Daddy Wilson pour « Deep In My Soul » (Ruf) et d’Ally Venable pour « Texas Honey » (Ruf). Quant au Powerblues de mai, qui porte sur les albums préférés des animateurs, on retrouve cette fois à la première place Big Daddy Wilson, Leo Bud Welch pour « The Angels In Heaven Done Signed My Name » (Easy Eye) et Tony Holiday pour « Tony Holiday’s Porch Sessions » (Vizztone). On relève donc que le chanteur Big Daddy Wilson fait une entrée fracassante au sommet des deux classements pour son dernier album que j’ai récemment évoqué dans cette émission…

C’est aussi le cas de la plupart des autres artistes du Top 3 de ces classements, on va donc s’arrêter sur le chanteur et harmoniciste Tony Holiday dont le disque « Tony Holiday’s Porch Sessions », sorti chez VizzTone, est original et très intéressant. Avec son guitariste Landon Stone, il est littéralement parti rencontrer chez eux d’autres musiciens pour les enregistrer de façon informelle, sous le porche de leur maison en quelque sorte, d’où le titre « Porch Sessions ». Les harmonicistes se taillent la part du lion mais ils ne sont pas les seuls. Pour vous donner une idée, voici quelques noms : Aki Kumar, Bob Corritore, Charlie Musselwhite, James Harman, John Németh, John Primer, Kid Andersen, Kid Ramos, Mitch Kashmar et Rockin’ Johnny. C’est en tout cas spontané, très sympa et réussi. Pour illustrer cela dans mon émission, j’ai choisi James Harman à l’harmonica et au chant, accompagné de Kid Ramos et Landon Stone aux guitares, pour un morceau intitulé Pick-pocket Fingers.