Au programme de mon émission sur YouTube, Flora Molton (rubrique « Un blues, un jour »), et David Evans (rubrique « En tournée »).
Parlons aujourd’hui de Flora Molton, qui nous a quittés le 31 mai 1990 à 82 ans. On peut écrire qu’elle formait un one-woman band, car elle chantait, jouait de la guitare, de l’harmonica et des percussions. On la rattache au gospel et ses textes sont effectivement essentiellement religieux, mais elle est musicalement très proche du blues. En fait, à mon sens, c’est une artiste de Sacred Blues, le blues sacré, comme Blind Willie Johnson ou Blind Joe Taggart qui ont déjà fait l’objet d’émissions précédentes. Ou bien, pour citer une femme, comme Sister O.M. Terrell, également déjà évoquée ici. Originaire du comté de Louisa en Virginie, où elle est née le 12 mars 1908, elle est malvoyante de naissance à cause de la cataracte. Elle sera toutefois opérée à l’âge de 8 ans, ce qui améliorera très légèrement sa vue. Plus tard, elle suivra les traces de son père qui était pasteur, pour elle-même débuter une carrière religieuse à l’âge de 17 ans. Comme son père joue de l’accordéon, elle apprend cet instrument tout en chantant à l’église, mais avouera plus tard avoir écouté et même chanté aussi du blues dans ses jeunes années…
Elle finit par s’installer en 1937 à Washington, où elle passera le reste de son existence. Très vite, d’autant qu’elle se marie et devient mère de famille, elle s’aperçoit que la musique paye mieux que la religion et décide d’apprendre la guitare slide. Ainsi, elle commence à jouer dans les rues dans les années 1940, peu après son arrivée à Washington, ce qui va faire d’elle une figure locale très populaire. Mais tout n’est pas si facile car nous savons qu’elle est également malvoyante. Elle essayera bien de trouver un emploi régulier mais sans succès, pour donc revenir à la musique, en continuant de se produire dans les rues, avec une sorte de petit seau attaché en haut du manche de sa guitare, dans lequel on lui déposait de l’argent. Elle n’aurait obtenu un premier véritable engagement pour un concert qu’en 1963. Ce n’est guère étonnant car nous sommes alors en plein Blues Revival, une période qui voit aussi la scène folk prendre un nouvel essor, justement sur la Côte Est où elle vit. Et son Country Blues teinté de gospel attire le public folk…
Dès lors, les choses s’accélèrent un peu. Elle signe deux singles dans les années 1970, dont une chanson sur la guerre du Vietnam (The Sun Will Shine on Vietnam), pour une marque, Molton’s Record, qui serait donc la sienne… Puis, en octobre 1980, les envoyés du label allemand L+R (de Lippman et Rau, les producteurs à l’origine de l’American Folk Blues Festival) viennent l’enregistrer chez elle pour un premier album, « Living Country Blues Vol. 3 – Laura Molton and the Truth Band », au sein d’un groupe comprenant notamment l’harmoniciste Phil Wiggins. Molton participe alors à des festivals importants, et en 1987, elle tourne en Europe, où elle enregistre cette même année deux autres albums. Le premier sort à nouveau sur un label qu’elle a créé, Lively Stone, et s’intitule « I Want To Be Ready To Hear God When He Calls ». Quant au deuxième, « Gospel Songs », il est réalisé à Paris pour Ocora, qui n’est autre que le label de Radio France ! Elle continuera de se produire jusqu’à sa mort en 1990. Flora Molton proposait une musique évidemment d’inspiration traditionnelle, très intense et même bouleversante. Pour mon émission, j’ai bien sûr choisoi un morceau de l’album enregistré pour Radio France, qui s’appelle Don’t You Want To Ride This Train.
Une bonne nouvelle pour les tournées ce vendredi, David Evans revient nous voir au début du mois de juin qui commence demain, avec sept dates au programme. Même si j’aurai l’occasion un jour prochain de lui consacrer un portrait complet, il est sans doute utile de rappeler les grandes lignes du parcours de cet éminent personnage né le 22 janvier 1944 à Boston dans le Massachusetts, mais dont la carrière s’est essentiellement déroulée dans la région de Memphis. David est donc ethnomusicologue, historien, professeur d’université, écrivain, producteur, conférencier, et c’est également un musicien émérite. Ses travaux et ses actions en font un plus respectés connaisseurs actuels du blues, et il a obtenu entre autres deux Grammy Awards.
Comme auteur, il nous laisse notamment deux livres fondamentaux, Tommy Johnson (Studio Vista, 1971), qui reste l’étude la plus aboutie sur le grand bluesman, et Big Road Blues – Tradition and Creativity in the Folk Blues (Da Capo, 1982), élargi à l’ensemble du blues rural. Après avoir découvert Jack Owens en 1966, il lance en 1979 la carrière de Jesse Mae Hemphill et fonde sa société de production et son label High Water, sur lequel il enregistre de nombreux représentants de la tradition du blues sudiste, mais aussi du gospel. À l’université de Memphis, ses recherches sur le terrain lui ont aussi permis de diriger le département d’ethnomusicologie.
En tant qu’artiste, il a débuté au début des années 1960 avec Alan Wilson avant la fondation du Canned Heat, et il a accompagné plus tard des musiciens comme Johnny Shines. David Evans est chanteur, guitariste et compositeur, et au sein de son Last Chance Jug Band ou en solo, il a réalisé plusieurs albums d’un excellent niveau. Inutile donc de préciser que ses conférences musicales sont captivantes, et voici ses dates, toutes en juin : le 4 et le 7 au TBA à Nantes (Loire-Atlantique), le 5 à la Ruche à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 6 au Labarker à Locmariaquer (Morbihan), le 8 à Montreuil (Seine-Saint-Denis) en deux lieux différents, à la Lanterne puis à l’Armony, et le 9 à la Légende à Paris 17e. Pour vous mettre dans l’ambiance, je vous propose de l’écouter dans mon émission lors d’un passage à Paris en 2016, avec le classique Big Road Blues.
Les derniers commentaires