Réédition semaine

Au programme de mon émission sur YouTube, Lafayette Thomas (rubrique « Un blues, un jour »), et Johnny Shines (rubrique « Réédition de la semaine »).

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© : Gérard Herzhaft / Blue Eye

Je vous propose d’évoquer aujourd’hui Lafayette Thomas, né le 13 juin 1928 à Shreveport. Malgré ses origines louisianaises, ce chanteur et guitariste fut un acteur essentiel mais méconnu de la scène blues californienne. Il fut élevé à bonne école car ses deux oncles venaient du milieu musical : Jesse « Babyface » Thomas, fut lui-même assez célèbre dans le blues, et Willard « Ramblin’ » Thomas fit partie des pionniers des années 1920. Ces deux musiciens furent logiquement ses premières influences ; il a rapidement appris le piano et la guitare, et quand se famille de Lafayette Thomas s’installa à San Francisco alors qu’il n’était encore qu’un enfant, il avait déjà de solides notions.

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© : Discogs

Il se spécialisa vite à la guitare, un instrument qui lui vaudra un étrange surnom, The Thing, soit la chose, qui s’expliquerait par un jeu de guitare spectaculaire et acrobatique. En tout cas, après ses oncles et plus particulièrement « Babyface » Thomas, on relève parmi ses premières influences des artistes modernes comme T-Bone Walker mais aussi d’autres plus ruraux dont Lightnin’ Hopkins. Lafayette Thomas apparaît dès 1948 sur des singles supervisés par le producteur Bob Geddins et travaille dans l’orchestre de Jimmy McCracklin, avec lequel il enregistrera ensuite à de très nombreuses reprises. Sous son nom, il signe ses premiers disques en 1951 pour le label Sun de Memphis, tout en continuant d’accompagner des artistes de la Côte Ouest dont Jimm(y)ie Wilson, James Reed, Roy Hawkins… Il est alors un guitariste extrêmement influent pour tous les artistes de la région, avec un jeu résolument moderne et plein d’élégance.

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© : Living Blues / YouTube

Il séjourne ensuite brièvement à New York, mais suffisamment longtemps pour enregistrer avec Sammy Price, Little Brother Montgomery, Memphis Slim, et il est même du live « At Newport » de Muddy Waters en 1960… Puis il retrouve la Californie, travaille avec Dave Alexander et L.C. « Good Rockin’ » Robinson, mais il s’éloigne progressivement de la scène musicale à la fin des années 1960 malgré une apparition avec la chanteuse Sugar Pie DeSanto. Il décède en 1977 à 48 ans d’une crise cardiaque. Bien qu’il ait été un artiste très respecté et demandé sur la Côte Ouest, il n’a pas enregistré d’album, et c’est encore Gérard Herzhaft sur son site Blue Eye qui nous propose une compilation de ses enregistrements (1951-1968), « Complete Recordings ». Et cela ne nous empêche pas de l’écouter, avec Dave Alexander et L.C. Robinson, pour un morceau dans mon émission qui date de 1968,I Had a Dream.

 

La réédition de la semaine porte sur Johnny Shines, elle s’intitule « Blues Came Fallin’ Down – Live 1973 » et on la doit au label Omnivore. Je ne vais pas m’arrêter une nouvelle fois sur le parcours de ce superbe chanteur et guitariste qui incarnait le Delta Blues, je l’ai déjà fait le 26 avril dernier dans une émission et un article sur ce site Internet. En tout cas, une chose est sûre : si Shines n’a pu enregistrer dès les années 1930 et 1940 comme d’autres de sa génération auxquels il n’avait vraiment rien à envier, il a pu se rattraper dans les années 1960 et 1970 en réalisant des albums d’une très grande qualité. Heureusement d’ailleurs car vous savez très certainement qu’il sera victime en 1980 d’un AVC qui le laissera paralysé d’un côté.

Même s’il avait conservé sa voix formidable, cela l’obligea à se produire assisté d’autres guitaristes jusqu’à sa mort en 1992 à 77 ans. Cette réédition est donc particulièrement bienvenue, mais en réalité ce n’est pas une réédition à proprement parler car il s’agit d’enregistrements inédits ! Elle est en outre généreuse car elle compte pas moins de vingt morceaux issus d’un concert qui s’est déroulé à Saint-Louis en 1973. On y entend un Johnny Shines au meilleur de sa forme, plus que jamais impliqué dans son blues très personnel qui fait en quelque sorte office de passerelle entre le blues rural du Delta et le blues moderne électrique de Chicago. Pour illustrer tout cela dans mon émission, je vous propose d’écouter la chanson-titre, autrement dit Blues Came Fallin’ Down.