Les temps du gospel copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Lonnie Johnson (rubrique « Un blues, un jour »), et le Dinwiddie Colored Quartet (rubrique « Sur scène »).

 

Comme je l’explique dans mon émission, pas de longue hésitation aujourd’hui car Lonnie Johnson nous a quittés un 16 juin, c’était en 1970. Que dire sur un personnage de cette stature ? Il a évidemment révolutionné son instrument. Est-il vraiment l’inventeur du jeu de guitare note par note, autrement dit du solo que tous les musiciens pratiquent de nos jours ? Sans doute, et certains n’hésitent à penser (et à dire ou écrire !) qu’il est purement et simplement l’inventeur de la guitare moderne. Et ce n’est pas terminé car il fut aussi influent dans le blues que dans le jazz, mais aussi un incomparable chanteur de ballades auxquelles sa voix suave apportait une saveur pleine de mélancolie… Ça fait beaucoup pour un seul homme, qui en plus ne chercha jamais à se mettre en avant ! Mais c’est tellement justifié…

Si on connaît la date de sa mort, son année de naissance est plus incertaine et on parle de 1889, 1894, 1899 ou 1900. L’année 1894 semble toutefois la plus probable selon les éléments les plus récents. De son vrai nom Alonzo Johnson, il vient en tout cas de La Nouvelle-Orléans où il a appris plusieurs instruments dont mandoline, piano, violon et guitare. Précisons d’ailleurs que Johnson excellait aussi au violon, certains de ses enregistrements en attesteront, et il fut là encore certainement le premier à jouer du violon amplifié électriquement ! À partir de 1917, il fit partie des premiers artistes à tourner en Europe, rentra aux États-Unis en 1919 pour apprendre que presque toute sa famille avait péri lors de la pandémie de grippe l’année précédente, puis il s’installa à Saint-Louis en 1921. Il se fit connaître grâce à un concours de blues, ce qui le fâchera car il ne voulait pas être étiqueté comme bluesman.

En tout cas, il enregistre dès 1925, et jusqu’en 1932, il grave environ 130 faces, avec des chanteuses de blues classique, des artistes ruraux comme Texas Alexander et le guitariste de jazz Eddie Lang, qui font tous partie des meilleurs de l’époque et démontrent l’étendue de son registre. Il fera d’autres singles dans les années 1930, 1940 et au début des fifties, avant, chose incroyable, d’être négligé par les compagnies discographiques. Pour vivre dans les années 1950, il devra même se contenter d’un job d’employé d’hôtel. Il sera redécouvert dans les années 1960, et on se rendra enfin compte de l’importance de cet immense musicien qui participera à des tournées et aux plus grands festivals. Lonnie Johnson s’éteindra donc en 1970. Contrairement à d’autres artistes importants, la discographie de Lonnie Johnson est disponible sur plusieurs rééditions. Les intégrales de sa première période (1925-1953), sont réunies dans les séries « Complete Recordings in Chronological Order » des labels autrichiens Document et RST Records, mais on peut opter pour des sélections comme « The Blues – The First of the « Guitar Heroes » – 1925-1947 » (Frémeaux & Associés, 1998), « A Life in Music – Selected Sides 1925-1953 » (JSP, 2009) et « The Lonnie Johnson Collection 1925-1952 » (Acrobat, 2015). Enfin, pour les années 1960, la récente compilation « Four Classic Albums » (Avid Roots, 2016) reprend quatre de ses meilleurs albums de l’époque : « Blues By Lonnie Johnson », « Lonnie Johnson With Victoria Spivey – Idle Hours », « Lonnie Johnson With Elmer Snowden – Blues And Ballads » et « Losing Game ». Ses duos avec le guitariste de jazz Eddie Lang furent parmi les premiers à mettre en scène des Blancs et des Noirs, et Lang, qui était donc blanc, devait utiliser un pseudonyme, Blind Willie Dunn. Ce sont toutefois des sommets artistiques qui préfigurent tout ce qui suivra en termes de guitare moderne. On les écoute en 1929 avec Blue Room (Blues).

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Francis James Barraud est né il y a 153 ans, le 16 juin 1856 à Liverpool en Angleterre. De prime abord, le rapport entre ce Britannique et le blues, le gospel et les autres musiques afro-américaines ne saute pas aux yeux. Mais Barraud, fils du portraitiste Henry Barraud (1811-1874), était donc peintre, comme son père… Et en 1899 (et non en 1898 comme je l’annonce dans mon émission, pardon…), l’idée le prit de peindre son chien, pour un dessin sur lequel le brave toutou semblait écouter de la musique sortant du pavillon d’un phonographe à cylindres. En fait, le chien qui s’appelait Nipper avait expiré en 1895, mais il a bien servi de modèle à son maître. Barraud essaya d’abord de vendre son dessin au fabricant du phonographe, Edison-Bell, qui refusa. Puis il parvint à convaincre la Gramophone Company, une des toutes premières sociétés à faire des disques à la place des cylindres. D’ailleurs, Barraud refit son dessin en remplaçant l’appareil original par un modèle pour disques. Mais Nipper resta…

Un slogan fut trouvé et vous le connaissez très certainement car il va devenir l’un des plus célèbres de l’industrie discographique, en l’occurrence « His Master’s Voice », « La voix de son maître » en français. Le label Victor, un des plus importants de l’histoire, sera le premier en 1902 à graver des disques avec le logo comprenant donc le dessin du chien de Barraud et le slogan. En France, « La voix de son maître » sera bien sûr associée pendant un bon moment à Pathé Marconi. « His Master’s Voice » appartiendra également longtemps au groupe EMI et donnera son nom à un réseau de disquaires-libraires, adoptant un logo simplifié, HMV, mais toujours avec l’illustration originale de Barraud. L’enseigne sera mise en faillite en décembre 2018 avant d’être reprise in extremis en février 2019 par Sunrise Records qui a pu sauver quelques détaillants… Si j’évoque ça un dimanche dans la rubrique gospel, c’est aussi parce que les premiers disques sortis par Victor avec le logo, et donc le dessin de Francis James Barraud, concernaient un groupe de negro spirituals. Il s’agit du Dinwiddie (aussi Dinwiddle) Colored Quartet, qui entra pour la première fois en studio le 29 octobre 1902. J’ai donc programmé dans mon émission un morceau très ancien issu de cette séance de 1902, qui s’appelle Down on the Old Camp Ground.