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J’ai pris un peu de retard avec la richesse récente de l’actualité, mais je poursuis en cette fin d’année ma rubrique hebdomadaire consacrée aux disques qui ont selon moi marqué l’année 2021. Pour ce sixième volet, je vous propose une réédition consacrée à Otis Rush par Jasmine, « I Won’t Be Worried No More – Otis Rush’s Chicago Blues 1956-1962 ». Vous l’aurez compris, cette collection couvre la période qui correspond aux débuts du génial chanteur et guitariste gaucher de Chicago, fondateur essentiel du West Side Sound. Cette sélection de vingt-sept titres très représentative n’occulte pratiquement aucune face réalisée par Otis à cette époque, et regorge de chansons devenues des standards du blues moderne :I can’t quit you babyGroaning the bluesDouble troubleAll your love (I miss loving)So many roads, so many trains

À Beaulieu-sur-Mer en 1997. © : Brigitte Charvolin / Soul Bag.

Avant cela, Otis Rush voit le jour le 29 avril 1934 à Philadelphia, Mississippi. La petite ville, très marquée par le racisme, est un fief du Ku Klux Klan : en 1964, en pleine lutte pour les droits civiques, des membres du Klan dont un shérif adjoint du comté assassinent trois militants, mais sont condamnés à des peines légères. Dès son enfance, Otis travaille à la ferme, s’essaie à l’harmonica à six ans, apprend la guitare à huit ans et chante à l’église. Il arrive à Chicago à la fin des années 1940 et se fait un nom dans les clubs du South Side et du West Side, ce qui lui vaut d’être remarqué par Eli Toscano du label Cobra. Après la faillite de Cobra en 1959, il signe chez Chess, puis chez Duke en 1962, chez qui il grave deux faces. Malgré son immense talent et son influence qui perdure de nos jours, la suite de son parcours sera chaotique, caractérisée par son imprévisibilité et de longues parenthèses. Capable par éclairs du meilleur comme du pire, il est victime en 2003 d’un grave AVC qui met un terme définitif à sa carrière. Il décède le 29 septembre 2018 à quatre-vingt-quatre ans. Je vous propose bien sûr un extrait de la réédition, le blues lent Double trouble, et ci-dessous le texte de la chronique de Frédéric Adrian, publiée dans le numéro 244 de Soul Bag.

OTIS RUSH
I WON’T BE WORRIED NO MORE – OTIS RUSH’S CHICAGO BLUES 1956-1962
De 1956 à 1962, soit de I can’t quit you baby à Homework, Otis Rush grave quelques-unes des pages majeures du blues électrique et crée – avec Buddy Guy et Magic Sam, en particulier – le cadre de référence dans lequel évoluera ensuite le genre dans les deux ou trois décennies suivantes. S’il n’a jamais vraiment réussi, pour toutes sortes de raisons, à retrouver ce niveau par la suite, ces titres, gravés pour Cobra, Chess et Duke, font sans hésitation partie du meilleur de la production blues de l’époque. La présente anthologie reprend la quasi-totalité des faces parues en singles sur la période (à l’exception de Violent love, peut-être en raison de son texte, mais avec le peu courant I have to laugh, face B de Homework) et y ajoute des prises alternatives publiées a posteriori ainsi que deux inédits exhumés en 1979 sur l’album « Chicago Guitar Killers » (Ooh-wee baby et I won’t be worried no more) et jamais réédités depuis. Avec une discographie détaillée, une belle édition tant pour les complétistes que pour ceux qui voudraient découvrir le meilleur d’un artiste majeur.Frédéric Adrian