De gauche à droite, Ed Newman, John Henry Barbee, Moody Jones et James Kindle, 1942, sans doute à Chicago. Source : Mike Rowe, « The Old Swing-Masters », Blues Unlimited 137/138 (1980), p. 4. © : courtesy Rev. Moody Jones.

Ce chanteur et guitariste est né le 14 novembre 1905 et décédé le 3 novembre 1964. Pour une fois, nous dérogeons donc à notre règle qui consiste à prendre une date exacte de naissance ou de mort, celles de Barbee étant très rapprochées. Nous optons pour une date « entre les deux » pour évoquer cet artiste au parcours chaotique et qui a certes peu enregistré, mais dont l’œuvre originale n’est pas négligeable. Il voit le jour à Henning, Tennessee, et ses parents se nomment Beecher Barbee et Cora Gilford, mais il prétendra être né William George Tucker avant de changer de nom en hommage à la célèbre chanson The ballad of John Henry. Une version largement contestée par les spécialistes et les documents officiels. On sait peu de choses sur son enfance, sinon qu’il apprit très jeune, et commença à chanter et jouer localement, à la slide et en style standard, autour de sa ville natale.

© : Stephanie Wiesand.

Mais en 1934, il rencontre l’harmoniciste John Lee « Sonny Boy » Williamson, le pianiste Sunnyland Slim, et, selon certaines sources, Big Joe Williams. En tout cas, on le retrouve peu après à Chicago, où il enregistre le 8 septembre 1938 pour Vocalion quatre faces dont deux resteront longtemps inédites. Alors qu’un blues urbain s’impose de plus en plus à Chicago, Barbee continue de jouer un Country Blues caractérisé par sa voix traînante mélancolique parfois haut perchée, et son beau jeu de guitare complexe et personnel. Peu après, il accompagne ponctuellement Moody Jones (lire mon article du 23 mars 2022) sur Maxwell Street, puis sa carrière musicale s’arrête pour des raisons floues. Il s’enfuit en effet en Arkansas car il aurait tué l’amant de sa petite amie, mais selon des témoignages plus tardifs, il l’aurait seulement blessé. Dès lors, Barbee ne semble plus concerné par le milieu musical.

Sur la pochette, Barbee en 1963. © : George Mitchell.

Il faut attendre le début des années 1960, au plus fort du Blues Revival, pour qu’il reparaisse à Chicago, où il exerce comme vendeur de glaces. Willie Dixon, alors en quête de musiciens pour les tournées en Europe de l’American Blues Festival (AFBF), finit par retrouver Barbee. Parallèlement, George Mitchell et Mike Bloomfield permettent la publication de deux chansons réalisées en public à Chicago en 1963, qui seront éditées en 1979 par Fat Possum. Après des prestations dans des festivals et quelques titres sur une compilation chez Spivey (« Chicago Blues ») avec Homesick James et Washboard Sam, Barbee s’envole pour l’Europe en octobre 1964 avec la tournée de l’AFBF. Mais le sort va s’acharner. Alors atteint d’un cancer agressif, ce qui se ressent dans ses ultimes performances scéniques, il rentre aux États-Unis, décidé à profiter au mieux de ses derniers jours. Il utilise le cachet de la tournée pour s’acheter la première voiture de sa vie, mais dix jours plus tard, il tue accidentellement un piéton. Peu après, le 3 novembre 1964, dans l’attente de son procès, John Henry Barbee décède en prison des suites d’un arrêt cardiaque, onze jours avant ses cinquante-neuf ans.

Le 12 octobre 1964 à Munich en Allemagne. © : Karl Schneider.

Voici maintenant trois morceaux qui démontrent que cet artiste aurait mérité de mener une carrière autrement plus significative.
Six weeks old blues, Vocalion, 8 septembre 1938.
Early morning blues, 26 mars 1964. Issu de la compilation Spivey, avec Homesick James et Washboard Sam.
Cotton pickin’ blues, L+R, 9 octobre 1964. Enregistré lors de la tournée de l’AFBF, avec une « intro » inattendue de Big Mama Thornton.

© : Stefan Wirz.