Turner Foddrell. © : Discovery Virginia.

Ce chanteur-guitariste a passé presque toute sa vie en Virginie sans chercher à vivre de la musique, trouvant toutefois l’opportunité d’enregistrer à partir de la fin des années 1970. Aujourd’hui oublié, Foddrell fut pourtant un artiste intéressant qui évoluait au frontières du blues de la Côte Est, du folk et de la country, mais aussi de la old-time music des montagnes, ou plus exactement des collines présentes dans la région vallonnée dont il est originaire, non loin des Appalaches. Et l’histoire de Foddrell, c’est aussi celle d’une famille qui mérite d’être contée. Turner Foddrell naît en effet le 22 juin 1928 à Stuart, à l’extrême sud de la Virginie. Les cinq frères et la sœur de son père, Posey Foddrell (1898-1985) étaient musiciens, mais Posey, qui était multi-instrumentiste (guitare, banjo, mandoline, violon et piano) et avait aussi appris avec son propre père, était le plus réputé : il jouait dans un string band qui comprenait des Blancs, même s’il n’a jamais enregistré.

La gare de Stuart, ville natale de Turner Foddrell, en 1895 soit à l’époque de la naissance de son père. © : Wikipedia.

À pareille école, Turner Foddrell ne pouvait échapper à son destin, d’autant que ses quatre propres frères, Marvin, Roger, Phil et Lloyd, seront également musiciens ! Au tournant des années 1930 et 1940, il anime des soirées, souvent avec son père et son frère aîné Marvin, né en 1924. Mais à seize ans, en 1944, Turner part vivre en Pennsylvanie où il reste jusqu’en 1951, date à laquelle il fait son service militaire en Allemagne. À son retour à Stuart, il ouvre une épicerie avec une station-service, et avec Marvin, il continue de se produire localement. Les Foddrell n’envisagent pas de carrière professionnelle bien qu’ils soient parfois invités à la radio avec leur père.

© : Smithsonian Folkways.

Et justement, en 1971, un animateur local, Harry Litten, entend Turner dans sa boutique et se dit qu’il s’exprime dans un style susceptible de plaire à un public plus large. Car même s’il s’exprime dans un Piedmont Blues classique, son répertoire étendu s’inspire aussi de la country, du folk, du bluegrass et des traditions des Appalaches voisines héritées de son père, on appellera d’ailleurs la musique des Foddrell le Mountain Blues. Grâce à Litten, Turner Foddrell et son frère Marvin vont rencontrer Roddy Moore, le directeur du Blue Ridge Institute (BRI) au Ferrum College. En 1973, Moore programme le duo au Blue Ridge Festival de Ferrum (une quarantaine de kilomètres au nord-est de Stuart), dont les deux frères deviennent des habitués, pendant que les spécialistes s’aperçoivent qu’ils tiennent là des artistes très talentueux.

Turner Foddrell en 1977. © : Pete Hartman / folkways-medias.si.edu

Dès lors, en novembre 1977, Kip Lornell, qui travaille pour le BRI comme producteur et collecteur de folklore, complète sa collection d’enregistrements de terrain avec les Foddrell. Et l’année suivante, il sort chez BRI Records l’anthologie « Virginia Traditions: Non-Blues Secular Black Music », sur laquelle Turner et Marvin Foddrell signent chacun une chanson dans un style très old-time music, Railroad Bill pour le premier et Reno factory pour le second. Ce premier volet de la série « Virginia Traditions » (dont nous vous conseillons vivement la lecture des notes très documentées de Lornell à cette adresse) en comptera huit autres jusqu’en 1988, et constitue un ensemble remarquable et unique sur les traditions musicales de cette région.

© : Discogs.

En novembre 1981, lors d’une tournée en Europe, Turner et Marvin Foddrell enregistrent douze chansons qui seront réunies en 1984 sur un album chez Swingmaster, « The Original Blues Brothers ». Entre-temps, en 1983, le label Outlet avait sorti un autre album sous le nom des Foddrell Brothers, « Patrick County Rag », sur lequel apparaît aussi Lynn, né en 1956, le fils de Turner. On sait aussi que l’ethnomusicologue Peter B. Lowry (notre article du 3 juillet 2022) les enregistra en 1979, mais ces titres restent à ce jour inédits. Après la mort de Marvin en 1986, Turner Foddrell continua de se produire avec son fils Lynn, qui est donc le dernier représentant de ce fameux Mountain Blues rattaché à sa famille qui commença à forger son style au XIXe siècle… Turner Foddrell est décédé le 31 janvier 1995 à soixante-six ans, emporté par un cancer de la gorge.

Marvin Foddrell en 1977. © : Roddy Moore / folkways-medias.si.edu

Voici maintenant nos chansons en écoute, mais aussi des documents rares (interviews, reportages, documentaires…).
Railroad Bill en 1977 par Turner Foddrell.
Going up the country en 1981 par Turner Foddrell.
Slow drag en 1981 par Turner Foddrell.
Reportage en 1982 sur la famille Foddrell.
Documentaire en 1982 sur Turner, Marvin et Lynn Foddrell.
Enregistrement de terrain vers 1982 par Turner et Lynn Foddrell.
Interview vers 1982 par Turner et Lynn Foddrell.
Blues baby, prob. années 1980 par Turner et Lynn Foddrell, tiré de la compilation « The American Fogies Volume One » sorti en 1996 chez Rounder.
I’ll be coming every Saturday night en 1981 par Turner Foddrell.
Guitar blues et Cross country blues, années 1990, par Turner et Lynn Foddrell.
Live From Piedmont Blues Guitarists Tour en 1991-92 par Turner et Lynn Foddrell.

 

Lynn Foddrell en 2017. © : Debbie Hall / The Enterprise.