© : Diamond Teeth Mary Blues & Arts Festival.

Elle était la demi-sœur de Bessie Smith, avec laquelle elle travailla. Elle a quasiment vécu un siècle. Elle a débuté sa carrière vers 1915, qui s’est poursuivie durant quelque quatre-vingt-cinq ans, ce qui est sans doute un record. Elle est passée par le cirque, les minstrels shows, le vaudeville, le blues et le gospel. Elle a chanté dans les plus grandes salles de New York et à la Maison Blanche. Elle s’est produite aux côtés de Billie Holiday, Sarah Vaughan, Ray Charles, Count Basie, Nat King Cole, Charlie Parker, Duke Ellington… Elle a influencé Big Mama Thornton, John Lee Hooker, Johnny Copeland, Buddy Guy… Elle a enregistré son premier album à quatre-vingt-onze ans. Elle a aujourd’hui une rue et un festival dans sa ville natale. Pourtant, pas sûr que cette chanteuse soit bien connue au-delà d’un cercle d’initiés, pour céder à la formule consacrée. Cela nous donne en tout cas bien des raisons de nous arrêter sur son parcours !

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Elle naît Mary Smith le 27 où le 28 août 1902 à Huntington au sud-ouest de la Virginie-Occidentale. Son père a épousé la mère de Bessie Smith, dont Mary est donc la demi-sœur. Victime de maltraitance, elle quitte le foyer familial à treize ans et saute dans un train à Heritage Station, la gare de Huntington. Contrainte de se déguiser en garçon, elle débute dans un cirque puis apparaît comme choriste à Memphis, avant de tourner dans les années 1920 et 1930 dans des troupes de medicine et minstrels shows, dont les Rabbit Foot Minstrels, sous le nom de Walking Mary car elle avait l’habitude d’échapper aux producteurs peu scrupuleux… Au milieu des années 1930, elle tourne avec Bessie Smith et accède aux plus grandes salles de New York, à l’Apollo, au Carnegie Hall et au Cotton Club. Le 27 septembre 1937 à Clarksdale, Mississippi, elle est au chevet de Bessie Smith, qui vient de succomber de ses blessures suite à un accident de la route survenu la nuit précédente.

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La popularité de Mary Smith grandit au moment de la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui vaut de tourner en Europe dans le cadre du United Service Organizations, fondé en 1941, qui emmène des artistes dans différentes parties du monde pour soutenir les troupes américaines. Sans doute pour faire plus d’effet à ses audiences, elle ôte les diamants d’un de ses bracelets et s’en sert pour remplacer ses incisives ! Nul ne sait si ce fut réellement efficace, mais à partir de cette époque, on l’appelle Diamond Teeth Mary. Et au final, les diamants seront utilisés pour payer les notes d’hôpital de sa mère… D’un point de vue purement artistique, bien que sans contrat discographique, elle reste très active sur scène et fréquente cette fois les meilleurs représentants du jazz et du R&B, comme Sarah Vaughan, Ray Charles, Count Basie, Nat King Cole, Charlie Parker et Duke Ellington.

© : Diamond Teeth Mary Blues & Arts Festival.

Parallèlement, désormais affublée du titre de « Queen of the blues », elle continue de prendre part à des troupes itinérantes, et en 1954, elle devient chanteuse lead des Rabbit Foot Minstrels. Cette activité incessante favorise incontestablement sa célébrité auprès des bluesmen qui la voient passer à un moment ou un autre près de chez eux, et explique son influence sur ces artistes cités au début de cet article. Mais après s’être installée en 1960 en Floride et un second mariage en 1964 avec Clifford McClain, elle change radicalement d’orientation, se consacre au gospel et se contente de chanter dans les églises locales. Environ quinze ans plus tard, alors qu’elle approche des quatre-vingts ans, la Smithsonian Institution la sollicite dans le cadre d’un documentaire sur les minstrels shows réalisé par Paul Wagner et Steven Zeitlin, Free Show Tonite, qui sortira en 1983.

© : Diamond Teeth Mary Blues & Arts Festival.

Diamond Teeth Mary accepte de sortir de sa semi-retraite, se remet au blues (sans toutefois complètement abandonner le gospel) et retrouve d’emblée sa popularité. Présente sur d’importants festivals, elle est également invitée à la Maison Blanche en 1980 à l’invitation de Ronald Reagan. Elle reprend les tournées et revient même sur Broadway en 1983 pour un spectacle signé Glenn Hinson (sur la base de Free Show Tonite), intitulé The Vi-Ton-Ka Medicine Show. Il n’est plus question de retraite pour la chanteuse, qui sort en 1993, soit à quatre-vingt-onze ans son seul album, « If I Can’t Sell It, I’m Gonna Sit On It » en cassette chez Big Boss, mais sous un titre différent en CD, « Walking Mary’s Blues », chez Upright. Infatigable, Diamond Teeth Mary continue de se produire jusqu’en 2000 et s’éteint le 4 avril de cette même année, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Chaque année à Huntington, le Diamond Teeth Mary Blues and Arts Festival at Heritage Station lui rend hommage.

© : Diamond Teeth Mary Blues & Arts Festival.

Il est temps de passer à notre sélection de chansons en écoute.
Walkin’ blues en 1989.
Give a poor dog a bone en 1989.
Blues to Bop Festival Lugano en 1991.
In Tampa, Florida, en 1994.
Live at the Florida Folk Festival en 1997. Pour son 95e anniversaire !

Plaque commémorative dans sa ville natale, sur le site de l’ancienne gare où elle fugua en train en 1915. © : Downtown Huntington.