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Voici le numéro 2 dans mon palmarès des dix disques qui ont selon moi marqué cette année 2023. Comme pour Eric Bibb la semaine dernière, nous allons évoquer un artiste souvent récompensé (notamment trois Grammy Awards), en l’occurrence Taj Mahal pour son dernier album chez Stony Plain, « Savoy ». Un disque dans lequel le génial touche-à-tout revisite les classiques (généralement du jazz) joué au Savoy Ballroom, une des plus célèbres salles de Harlem en activité de 1926 à 1958. Un vrai défi, mais magistralement relevé par l’artiste. Pour compléter mon propos, je vous propose le texte de ma chronique publiée dans le numéro 250 de Soul Bag, ainsi que deux chansons extraites du disque en écoute, Sweet Georgia Brown et One for my baby (and one more from the road.

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TAJ MAHAL
SAVOY
JAZZ BLUES
Étonnant Taj Mahal. On savait sa voix altérée par l’âge (il a fêté ses quatre-vingts ans le 17 mai 2022) depuis quelques années. Et voilà qu’il nous propose un nouvel album en hommage aux classiques du Savoy Ballroom, dans un registre particulièrement exigeant pour les cordes vocales ! Avouons que les premiers mots de la chanson inaugurale, Stompin’ at the Savoy, swingante et soulignée de chœurs kitsch de comédie musicale désuète, ne rassurent pas : la voix est rauque et difficilement audible, bien qu’elle s’améliore avant même la fin du morceau. Une mue surprenante qui se prolonge, Taj retrouvant (partiellement, quand même) son timbre caractéristique et même sa musicalité sur le reste du disque. Est-ce grâce aux tasses de thé très sucré qu’il a bu durant l’enregistrement selon le communiqué de presse ? Quoi qu’il en soit, comme la voix de Taj, le niveau du disque va crescendo. Gee baby ain’t good to you très cool blues, Summertime bien enlevé et Mood indigodans une ambiance music-hall s’unissent en rampe de lancement. Dès lors, du jump blues sauce 1940s Is you is or is you ain’t my baby à One for my baby (and one more from the road) final qu’il transforme en un blues lent d’une rare intensité, on ne quitte plus la haute altitude : chacun dans un registre différent, Do nothin’ till your hear from me, Sweet Georgia Brown (avec effets de gosier et scat !), Baby it’s cold outside (talkin’ blues avec Maria Muldaur), Lady be good, Baby won’t you please come home, Caldonia (avec Taj à l’harmo), Killer Joe qui s’inscrirait bien dans une bande originale de film, Taj Mahal et son excellent combo cuivré parviennent à recréer en 2023 le climat débridé qui régnait au Savoy. Taj Mahal aime les challenges. Il prouve ici avec un brio incomparable qu’il reste capable de les relever.
© : Daniel Léon / Soul Bag.

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