On ne saurait dire que Jesse Graves fit partie des figures les plus connues du blues. Ce chanteur-guitariste reste un représentant obscur du blues blanc américain car cantonné à un registre acoustique (entre Delta et Piedmont Blues) à un moment, le tournant des années 1960 et 1970, où les formations de blues électrique fleurissaient aux États-Unis, tout particulièrement sur la Côte Ouest. En outre, sur son seul et unique album sorti en 1972 chez Gazebo, « Jesse Graves », il reprend des classiques de Robert Johnson, Son House, Bukka White, Skip James, Mississippi John Hurt, Lead Belly… Rien d’original me direz-vous, et ça tombe sous le sens.

Jesse Graves nous a quittés samedi dernier, le 30 décembre 2023 à l’âge de soixante-quatorze ans. Une disparition que j’aurais pu passer sous silence tant son rôle de Graves semble anecdotique à l’échelle de l’histoire du blues. Mais j’ai écouté l’intégralité de son album, et malgré un son pour le moins « précaire » (en public dans un club !), j’ai entendu un artiste impliqué au chant et à la guitare. Je l’ai écouté en me souvenant que je mets souvent ici en avant des bluesmen afro-américains encore plus obscurs, qui nous laissent encore moins de traces sur disque. Certes, je n’esquive pas le poids d’une histoire qui échappe à toute mesure, mais du seul point de vue artistique, « l’ovni » Graves mérite d’être attrapé au vol. D’autant qu’il n’a pas été formé à l’école d’une autre planète. Né le 31 octobre 1949 à Drexel Hill, Pennsylvanie, de son vrai nom Michael Floyd, il a appris aux côtés de Son House (via son « découvreur » Dick Waterman), Gary Davis ou Johnny Shines.

Alors oui, soyons honnêtes, après son album de 1972, il y a donc plus de cinquante ans, Graves s’est tu dans le sens discographique du terme. Ensuite, il est visiblement resté actif, ce dont témoigne un site Internet dédié qui ne le met toutefois pas toujours à son avantage (photos et interview de piètre qualité), tout en le montrant avec Muddy Waters, Bonnie Raitt, Arthur « Big Boy » Crudup, Pinetop Perkins… Tout cela est maigre et même imparfait, j’en conviens très volontiers, mais à l’aube de cette nouvelle année, il serait franchement déplacé de laisser sur la touche un personnage comme Jesse Graves, et je vous invite à prêter au moins une oreille à ces trois chansons extraites de son album : Light of the world, Louis Collins et Lining track.