Situé dans le South Side, très précisément au 7401 S South Chicago Avenue, le Lee’s Unleaded Blues fait assurément partie des clubs emblématiques de la Windy City, mais il avait fermé ses portes en 2015. Heureusement, grâce à l’abnégation de Warren Berger, qui a racheté le lieu en 2018, le Lee’s Unleaded Blues a rouvert ce vendredi 26 avril 2024 avec un concert de John Primer, qui a d’ailleurs remis ça le lendemain. Il s’agissait en réalité davantage d’une inauguration du lieu largement rénové, avant une réouverture officielle annoncée pour la mi-mai. On attendait cet épilogue heureux depuis quelques années (il fut d’abord question de 2021), mais comme tout le monde, Berger a dû composer avec la pandémie de Covid-19 et les tracasseries administratives.
Mais Berger, âgé de soixante-dix-sept ans et déjà propriétaire du Club Escape également dans le South Side, ne s’est donc pas découragé. Il a fait appel au Neighborhood Opportunity Fund de la ville de Chicago, qui pour faire simple puise des fonds générés par les secteurs du centre-ville en plein développement, pour les octroyer à des projets dans des quartiers en manque d’investisseurs privés. Et Berger fut convaincant au point d’obtenir une subvention de 136 000 dollars ! Ses propos rapportés par Erica Thompson le 24 avril dernier dans un article du Chicago Sun-Times en disent également long sur sa motivation : « C’est juste excitant. À mon âge, je fais ça parce que j’en ai envie. J’aime travailler tous les jours. On va remettre ce lieu d’aplomb et on va faire ça bien. »
Pour joindre les actes aux paroles, Berger a confié la gérance à Jennifer Littleton, qui n’est pas la première venue car elle s’occupa auparavant d’un autre fameux club de la ville, B.L.U.E.S. On Halsted (elle travaille aussi pour Delmark), qui n’a hélas pas survécu à la pandémie et fermé en 2020… Pour elle, aucun doute quant à la nécessité de redonner vie à des lieux comme le Lee’s Unleaded Blues : « Il existe une demande et nous sommes vraiment excités au moment d’ouvrir. Des gens me demandaient sans cesse quand nous allions ouvrir. Les musiciens ont vraiment besoin d’un tel lieu où aller. J’aime l’histoire du blues de Chicago. J’adore les représentants de l’ancienne génération qui venaient du Mississippi. Nous en avions bien plus par le passé et ils disparaissent, mais nous conservons des liens. »
À propos d’histoire, celle du Lee’s Unleaded Blues a plus de cinquante ans, avec la naissance au début des années 1970 à la même adresse d’un premier club, appelé le Queen Bee’s Lounge. En page d’accueil du site Internet, le chanteur et multi-instrumentiste Johnny Drummer évoque « un club historique du South Side avec des musiciens venus du monde entier qui aimaient se joindre à notre groupe, [et] même Mick Jagger restait toute la nuit », pendant que Michael Frank, propriétaire du label Earwig et longtemps manager de David « Honeyboy » Edwards, relate : « Je suis allé au Lee’s Unleaded Blues vers 1973, quand il s’appelait encore le Queen Bee’s. C’était mon club préféré pour voir des artistes de qualité, avec un cercle de musiciens sympas qui revenaient, une super ambiance, un bon son et un public bienveillant. Lonnie Brooks, Buddy Scott, Vance Kelly, Junior Wells, Son Seals et Johnny Drummer faisaient partie de la « famille ». J’adore cet endroit dont la réouverture me ravit. »
À partir de 1983, le club est repris par Ray et Leola « Lee » Grey qui lui donne un nouveau nom, Lee’s Unleaded Blues. Quelque quarante plus tard, il a donc été agrandi (110 places contre une cinquantaine auparavant), remis à neuf, décoré et peint en bleu, ce qui est somme toute logique pour un club de blues ! Sur un des murs du bar, les propriétaires ont accroché un grand portrait de Muddy Waters entouré des Rolling Stones lors d’un concert en 1981 au Checkerboard Lounge, autre club phare de cette époque alors propriété de Buddy Guy. Vendredi dernier, avant de se produire sur la scène du Lee’s Unleaded Blues pour la réouverture, nul doute que John Primer s’est arrêté devant cette photo, car il était alors le guitariste attitré de Muddy Waters… En tout cas, si vous passez par Chicago, ne manquez pas de visiter ce lieu dont l’histoire continue donc de s’écrire !
Les derniers commentaires