Il y a cinq ans jour pour jour, j’avais évoqué dans mon émission sur YouTube ce chanteur-guitariste dont on retient généralement qu’il fut le troisième mari (et accompagnateur comme ses prédécesseurs) de Memphis Minnie. Honnêtement, rien n’a vraiment changé depuis 2019, nul n’en sait davantage sur ses premières années, mais j’ai trouvé quelques éléments supplémentaires sur cet artiste qui fut également un compositeur avisé, et le présent article me donne aussi l’occasion de vous proposer plusieurs chansons en écoute, alors que je m’étais contenté d’une seule dans mon émission. Ernest Lawlars voit donc le jour le 18 mai 1900 à Hughes, une petite ville de l’Arkansas proche de Memphis et dès lors de la limite nord du Delta. Nous savons aujourd’hui que cette « région-carrefour », dont la « capitale »très officieuse est en quelque sorte Helena, développera une scène d’une qualité comparable à celle du Mississippi voisin à partir des années 1940.
On ignore donc à peu près tout de ses premières années, mais selon le chanteur-guitariste George Paul « G.P. » Jackson qui le côtoya dans les années 1940, en plus de la guitare, Lawlars était également un joueur accompli de washboard. Ceci accrédite la thèse selon laquelle il aurait joué au sein de jug bands à Memphis, où, selon plusieurs sources concordantes, il était censé vivre dans la première moitié des années 1930. Il apparaît pour la première fois sur disque le 10 octobre 1935 en gravant une face pour ARC sous le nom de Son Joe, Sin and a shame blues, qui reste hélas à ce jour inédite. En fait, lors de cette session, il est l’accompagnateur à la seconde guitare de Robert Wilkins, qui lui se fait alors appeler Tim Wilkins, et avec lequel il enregistre trois autres chansons pour Vocalion (sous licence d’ARC), Black rat blues, New Stock yard blues et Dirty deal blues.
En 1938, Lawlars rencontre Memphis Minnie et devient peu après son troisième et dernier mari après Casey Bill Weldon et Kansas Joe McCoy. Le 3 février 1939, Memphis Minnie et Lawlars, désormais en tant que Little Son Joe, se retrouvent en studio, toujours pour Vocalion. Le couple signe ensemble dix faces, quatre créditées à Memphis Minnie et six autres à Little Son Joe, dont une composition de ce dernier qui deviendra un classique, Diggin’ my potatoes (mon article du 20 mars 2022). Trois jours plus tard, puis en 1940 mais cette fois pour OKeh, ils réalisent de nouvelles faces ensemble. Mais l’année 1941 est sans doute la plus significative pour Lawlars en tant que parolier. Le 21 mai, il coécrit avec sa femme ce qui est sans doute le plus grand succès de cette dernière depuis When the levee breaks en 1929, le célébrissime Me and my chauffeur blues (le nom de son mari, hélas écorché, se transforme en Lawler…). Et le 12 décembre 1941, Little Son Joe enregistre Black rat swing (toujours avec sa femme, quand même, et certaines éditions n’hésiteront pas à le créditer à Mr. Memphis Minnie !), autre titre repris par de nombreux artistes.
Le nom de Little Son Joe n’apparaîtra plus sur disque mais il continuera d’accompagner Memphis Minnie dans les années 1940 et 1950, notamment dans les clubs de Détroit et de Chicago où le couple se produit de plus en plus souvent, d’autant qu’ils s’expriment désormais à la guitare électrique. En 1957, alors que l’asthme de Memphis Minnie empire, ils reviennent à Memphis, où ils vivent un long calvaire suite à des problèmes de santé. Une sévère attaque cérébrale en 1960 cloue Memphis Minnie dans un fauteuil roulant (jusqu’à sa mort en 1973). Relation de cause à effet ou non, l’année suivante, le 14 novembre 1961, Little Son Joe quitte ce monde d’une maladie cardiaque à l’âge de 61 ans. Il est temps de passer à notre sélection de chansons en écoute…
– Black rat blues en 1935 par Tim Wilkins avec Son Joe.
– New Stock yard blues en 1935 par Tim Wilkins avec Son Joe.
– Diggin’ my potatoes en 1939 par Little Son Joe.
– Just had to holler en 1941 par Little Son Joe.
– Me and my chauffeur blues en 1941 par Memphis Minnie et Little Son Joe.
– Black rat swing en 1941 par Little Son Joe et Memphis Minnie.
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