Ce chanteur-guitariste fait partie des bluesmen que l’on peut assurément qualifier de mystérieux (on lui connaît une seule photo !), qui utilisa en outre plusieurs pseudonymes pour des raisons mal définies, histoire de brouiller un peu plus les pistes… Il nous laisse toutefois vingt-sept faces de très haut niveau gravées sur une courte période (1950-1952), en outre très originales car elles marient les influences du blues de la Côte Est (Blind Boy Fuller) et du Texas (Lightnin’ Hopkins), au moment où les artistes délaissaient l’instrumentation acoustique au profit de l’électrique qui leur ouvrait de nouvelles portes. On sait qu’il est né Edward P. Harris le 22 août 1923, mais pas trop où. En Caroline du Nord, sans doute du côté de Leasburg, au nord de Durham.

On sait que son père lui a enseigné la guitare, mais sa biographie est très lacunaire, si on excepte éventuellement le témoignage de Wilson Winslow dans les notes de pochette de la compilation « Blues Go Away From Me » (Savoy Jazz, 1985), qui semble toutefois un peu trop « romancé » : « Son père lui apprit à jouer de la guitare en lui transmettant des centaines de chansons qui remontent à la guerre de Sécession. Carolina Slim a grandi jusqu’à devenir un véritable géant mesurant 1,95 m. Ses pas de géant l’ont mené dans les lieux les plus reculés de tous les États du sud et du sud-ouest. Il a apporté de nouvelles chansons, de nouvelles histoires, une joie nouvelle dans les champs de coton de Géorgie et des Carolines ; dans la plaine alluviale du Delta, Mississipi ; (…). Slim fut un messager de la musique, un chroniqueur de la vie telle qu’elle se déroulait vraiment (…). »

Ceci prête sans doute à sourire, mais sans que l’on sache comment, le 24 juillet 1950, il se retrouve en studio à New York, où il grave pour Acorn six faces dont quatre sont commercialisées. Elles obtiennent un succès relatif, ce qui lui vaut d’être convié l’année suivante à de nouvelles sessions. Toujours en 1951, il enregistre d’autres faces pour Savoy, sous les pseudonymes de Lazy Slim Jim puis de Jammin’ Jim, ce qui peut surprendre car Acorn est la filiale de Savoy… D’autant qu’il faut suivre ! En effet, entre décembre 1951 et avril 1952, cette fois sous le nom de Country Paul, il signe huit chansons pour King. Enfin, en juin 1952, il revient chez Savoy pour d’ultimes réalisations chez Savoy. Il n’y en aura en effet pas d’autres. Car le 22 octobre 1953, Carolina Slim est foudroyé par une crise cardiaque. À trente ans.

Malgré la brièveté de sa carrière, ce bluesman nous laisse une œuvre d’une rare intensité… et densité ! Sa voix traînante et son jeu de guitare intense ou virtuose selon son humeur sont exemplaires. J’ai dès lors eu du mal à choisir une sélection de chansons en écoute…
Black chariot blues en 1950. Son premier titre…
Mama’s boogie en 1950.
Pleading blues en 1950.
Rag mama en 1951.
Slo freight blues en 1951 (Lazy Slim Jim).
Jivin’ woman en 1951 (Jammin’ Jim).
Black cat trail en 1952 (Country Paul).
One more drink en 1952 (Lazy Slim Jim).
Photos : © Stefan Wirz.