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Pour 2024, je vous propose deux listes des dix albums et des cinq livres qui ont selon moi marqué cette année, et début 2025, je publierai mes Top 10 et Top 5 dans les deux catégories. Le huitième sur ma liste de disques est une réalisation du trio Soba, simplement intitulée « Fiman » (MDC), ce qui signifie « noir » en dioula (1). Soba, ce sont d’abord trois artistes réunis autour de ce projet en 2019, le chanteur-guitariste burkinabé Moussa Koita, le batteur congolais Emile Biayenda et l’harmoniciste français Vincent Bucher. Leur musique emprunte bien sûr au blues d’inspiration rurale et à la musique d’Afrique de l’Ouest, mais son caractère (et donc celui de ses interprètes !) distille un style unique et très personnel qui se démarque d’autres associations similaires. On comprend mieux pourquoi soba se traduit par « grande maison commune », tout le disque n’est que partage… Je tenais à intégrer « Fiman » à ma liste car il fait vraiment partie des albums de l’année. Il compte onze chansons dont dix composées par Vincent Bucher.

© : SOBA BLUES.

Il serait réducteur de ramener cette réussite au seul Bucher, mais son harmonica fascine de bout en bout, avec une étonnante capacité d’adaptation du musicien quels que soient les tempos, les arrangements et surtout les ambiances. Bien que Koita ne prenne aucun solo, sa guitare est protéiforme, tantôt impulsive, tantôt limpide, tantôt sourde et grondante, toujours mouvante. Associée aux percussions de Biayenda, elle génère une rythmique à la fois souple et envoûtante, nuancée et obsédante, qui crée un tourbillon auquel il est impossible d’échapper. D’autant que le call and response est également omniprésent pour ajouter de la ferveur à l’ensemble. On le trouve entre chant et harmo sur le premier sommet du disque, Tounga, qui évoque celles et ceux qui ont du mal à d’adapter aux conditions d’un pays qu’ils ne connaissent pas. Plus loin, il revient sur l’incroyable shuffle frénétique Horonke, du même niveau stratosphérique.

© : Guillaume Saix.

Dès l’ouverture, la chanson-titre donnait le ton avec des chœurs qui enrichissent (tout comme Fantaya), les harmonies vocales étant par ailleurs mises en avant sur Faso den, Wariko superbement arrangé, ou encore Miri aux sonorités résolument modernes. Même sans comprendre la langue, on imagine que Politiki magni est une chanson engagée (qui flirte avec le boogie), pendant que Deme, plus apaisée et mélodieuse, repose sur une rythmique sourde et lancinante. L’album propose enfin deux morceaux plus proches de la ballade, I kanata (chant plus déclamatoire et harmonica presque rageur), et pour conclure Den folo, ultime sommet qui prend la forme d’une complainte absolument magnifique que nous écouterons avec un immense plaisir pour la veillée de Noël ! L’album se commande à cette adresse et je vous propose trois extraits en écoute, Tounga, Horonke et Den folo.

© : SOBA BLUES.

(1). Notamment parlé en Côte-d’Ivoire, au Mali, en Guinée et au Burkina Faso (dont il est une des langues officielles), dérivé du bambara, le dioula fait partie des langues mandingues.