Au programme de mon émission sur YouTube, Robert Nighthawk (rubrique « Un blues, un jour ») et Bill Deraime (rubrique « En tournée »).
Né il y a 109 ans aujourd’hui, soit le 30 novembre 1909, près d’Helena (Arkansas), Robert Nighthawk ne facilite pas le travail des biographes ! Il est en effet né Robert McCollum, ce qui, comme tout un chacun, est simplement le nom de son père (prénommé Ned). Mais il devra en changer vers le milieu des années 1930. Selon les sources (dont Nighthawk lui-même et Houston Stackhouse qui fut un proche), il aurait été impliqué dans une rixe en Louisiane qui aurait mal tourné et fait un mort par balle. Même si ce n’est pas avéré, il serait l’auteur du coup fatal… En tout cas, il jugea alors opportun de s’enfuir et de prendre le nom de jeune fille de sa mère, devenant Robert Lee McCoy. Plus tard, sans doute au moment de son arrivée à Chicago en 1948, il opte cette fois pour Robert Nighthawk, d’après un de ses premiers titres enregistrés une dizaine d’années plus tôt, Prowling Night-Hawk. Mais ce n’est pas terminé ! Nighthawk est le père du grand batteur Sam Carr (1926-2009), qui lui non plus ne porte pas le patronyme de son paternel. Et pour cause : abandonné dans sa jeunesse, Sam a été adopté par la famille Carr et a préféré conserver ce nom…
Bref, avant cela, « McCollum-McCoy-Nighthawk », issu d’une famille musicale, a d’abord appris l’harmonica, puis la guitare auprès de Houston Stackhouse (1910-1980), qui affirmera être un cousin. Il devient rapidement musicien itinérant et parcourt les États du Sud. Vers 1935, il est donc pris dans une rixe (lire plus haut), change de nom et de lieu de pérégrinations en « montant » au nord pour se fixer à Saint-Louis. En tant que Robert Lee McCoy mais aussi d’autres sous différents pseudonymes (dont Rambling Bob et Peetie’s Boy), il grave vingt-cinq faces entre 1937 et 1940, quatre pour Decca et vingt et une pour Bluebird (voir la compilation « Prowling Night Hawk – Bluebird Recordings 1937-1938 », Oldays), ou comme accompagnateur de Sonny Boy Williamson I, Big Joe Williams et Sleepy John Estes. Quand il évolue en leader, ses accompagnateurs se nomment Sonny Boy Williamson I, Big Joe Williams, Henry Townsend, Speckled Red… Des sessions réalisées à Chicago, mais il n’y séjourne que brièvement. Outre sa belle voix puissante un peu traînante, il impose d’emblée un style de slide très expressif et moderne pour l’époque, et dès 1941, il aurait transformé son instrument en guitare électrique (peut-être suite à une session à Chicago), ce qui en ferait un pionnier du genre dans le blues. Dans les années 1940, il retourne aussi à Helena et se distingue sur la radio KFFA dans une émission « sponsorisée » par la marque de farine Bright Star, concurrente de King Biscuit… Il y côtoie notamment le pianiste Pinetop Perkins, Ike Turner, Earl Hooker et Kansas City Red, retrouve son fils Sam Carr (qui tient alors la basse avec lui !) puis Houston Stackhouse. La plupart de ces artistes qualifieront McCoy de personnage instable et pas toujours honnête, capable de disparaître sans crier gare et sans avoir payé ses musiciens !
Fixé à Chicago en 1948, il devient donc Robert Nighthawk. Cette année-là, puis en 1949 et 1950, il enregistre pour Aristocrat et Chess des titres mémorables qui s’inscrivent parmi les sommets du blues de l’époque, et Nighthawk est un acteur essentiel du passage du Delta Blues au Chicago Blues moderne. Des morceaux comme Black Angel Blues (Sweet Black Angel) etAnnie Lee Blues (Anna Lee) en 1949 confirment sa place parmi les plus grands utilisateurs de la guitare slide, mais il ne parvient pas à s’imposer dans la jungle du blues de Chicago et subit la concurrence de Muddy Waters, privilégié par Chess. Après quelques plages en 1951 et 1952 (magnifiques, voir la compilation « Bricks in my Pillow », Delmark), il repart dans le Sud pour de nouvelles itinérances… Alors que l’on ne l’attendait plus, il réapparaît à Chicago, en particulier dans le quartier du marché de Maxwell Street à Chicago, où il enregistre en septembre 1964 l’album « Live on Maxwell Street » (sorti chez Rounder en 1979), qui démontre qu’il n’a rien perdu de ses immenses qualités. Le mois suivant, il partage avec Houston Stackhouse « Masters of Modern Blues Volume 4 » (Testament). Il regagne ensuite sa région natale et décède le 5 novembre 1967 à 57 ans suite à des problèmes cardiaques. Pour mon émission, j’ai retenu un extrait du « Live on Maxwell Street », Goin’ Down to Eli’s.
En deuxième partie, pour la rubrique « En tournée » du vendredi, le moment est venu de s’arrêter sur Bill Deraime, que l’on peut voir en différents lieux de l’Hexagone en ce moment. Né le 2 février 1947 à Senlis, le Français a de bonnes raisons d’être fier de son parcours d’autant qu’il fêtait en cette année 2018 ses 50 ans de carrière. Il a donc d’abord sorti en février chez Rupture Inside un album, « Nouvel Horizon », qui compte 19 titres avec bon nombre de ses « classiques » dont Sur le bord de la route, Un dernier blues, Babylone, Plus la peine de frimer, Bobo boogie… Mais pas de méprise, il ne s’agit pas de rééditions mais bien de morceaux réenregistrés pour l’occasion, avec en outre des invités venus de différents horizons : le comédien Kad Merad, la chanteuse américaine Joniece Jamison, les chanteurs français Bernard Lavilliers, Yves Jamait, Florent Pagny et Sanseverino, enfin l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau. Après avoir tourné en France cet été, il remet ça en cette fin d’année, et il annonce sur son site Internet qu’il pourrait repartir au printemps 2019 (une date le 23 mars au Beffroi de Montrouge). En attendant, voici les dernières dates pour cette année 2018 : dès ce soir 30/11 au théâtre Fémina à Bordeaux (Gironde), le 1/12 au festival L’Échappée Musicale à Montbartier (Tarn-et-Garonne), le 4/12 au théâtre de la Rotonde à Thaon-les-Vosges (Vosges), le 5/12 au Cèdre à Chenôve (Côte-d’Or) et le 8/12 à la Loco à Mézidon (Calvados). Je tiens d’ailleurs à m’excuser platement au sujet de cette dernière date, car j’ai en effet annoncé par erreur dans mon émission que Bill Deraime serait à Mézidon le 6 décembre : c’est donc bien le 8 décembre, ce que je repréciserai d’ailleurs en début d’émission demain. Pour illustrer tout cela, j’ai bien entendu choisi un extrait de son dernier CD « Nouvel Horizon », en l’occurrence Sur le bord de la route, qu’il interprète ici avec son ami Kad Merad.
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