Au programme de mon émission sur YouTube, Son Seals (rubrique « Un blues, un jour ») et Paul Oliver (rubrique « Réédition de la semaine »), avec Barefoot Bill en illustration musicale.
Son Seals nous a donc quittés il y a 14 ans, le 20 décembre 2004, à l’âge de 62 ans. J’ai toujours beaucoup apprécié cet artiste un peu à part du fait de sa personnalité assez peu expansive, mais qui incarna à la perfection le Chicago Blues des années 1980 et 1990. Une sensation sans doute accentuée par son style très personnel et immédiatement identifiable, basé sur une voix basse et rageuse caractéristique et sur un jeu de guitare incendiaire qui n’appartenait qu’à lui. Avec l’âge, il parviendra même à évoluer pour créer autour de sa musique un climat original et tendu qui est la marque d’un grand talent. Il naît Frank Seals le 13 août 1942 à Osceola en Arkansas, où son père multi-instrumentiste (qui a fait partie des Rabbit’s Foot Minstrels !) gère un petit club, le Dipsy Doodle, ce qui favorise son immersion précoce dans l’univers du blues. Il débute toutefois à la batterie, un instrument qu’il maîtrise suffisamment pour accompagner Robert Nighthawk alors qu’il n’a que 13 ans, et côtoie aussi Sonny Boy Williamson qui vient parfois dans le club de son père. Parallèlement, Son Seals, qui est également désormais un excellent et guitariste et chanteur, joue aussi avec son propre groupe, les Upsetters, puis il tourne un temps avec Earl Hooker en 1963, et devient proche d’Albert King : plusieurs sources affirment qu’il joue de la batterie en 1968 sur l’album « Live Wire / Blues Power » de King, ce que les crédits ne confirment toutefois pas…
En 1971, son père décède et il s’installe à Chicago, où il fréquente d’abord Hound Dog Taylor mais aussi la plupart des grands bluesmen de la ville. Sa relation avec Hound Dog lui vaut d’être rapidement remarqué par Bruce Iglauer qui lui permet de sortir un premier disque en 1973 pour son label Alligator, « The Son Seals Blues Band ». Seals sera très fidèle car il enregistrera ensuite huit de ses neuf albums pour Alligator ! Seul le dernier, « Lettin’ Go » (2000), sera réalisé sur un autre label, en l’occurrence Telarc. Il est à noter que les neuf albums enregistrés par Son Seals sont tous très bons, une autre preuve de son talent. Voir Seals en concert était en outre une expérience unique car il dégageait un magnétisme incroyable avec sa musique extrêmement intense. La qualité de ses prestations ne diminuera jamais malgré des dernières années ponctuées de drames personnels. Ainsi, en janvier 1997, son ex-femme lui tire une balle en plein visage, ce qui ne sera pas sans effet sur sa voix tout en le contraignant à une longue rééducation. Deux ans plus tard, rongé par le diabète, il est amputé de la jambe gauche, puis son camping-car est détruit par un incendie et il se fait voler sa guitare fétiche. Il s’est donc éteint le 20 décembre 2004 à 62 ans. Pour mon émission, j’ai choisi un extrait de son premier album enregistré en public (« Live and Burning », Alligator, 1978), qui s’appelle Help Me, Somebody.
Pour aller plus loin, la discographie de Son Seals étant comme je l’écris plus haut d’un excellent niveau uniforme, il n’a rien fait de négligeable, mais « The Son Seals Blues Band » (Alligator, 1973), « Midnight Son » (Alligator, 1976), « Live and Burning » (Alligator, 1978), « Bad Axe » (Alligator, 1984) et « Lettin’ Go » (Telarc, 2000) sont mes favoris.
En deuxième partie d’émission, j’ai choisi une réédition que l’on doit à un label spécialiste du genre, Jasmine, et qui s’intitule « The Meaning of the Blues – The Legacy of Paul Oliver 1927-2017 ». Paul Oliver nous a quittés l’an dernier à l’âge de 90 ans, d’où le 1927-2017 qui indique en fait ses années de naissance et de décès. Britannique (il est né le 25 mai 1927 à Nottingham en Angleterre), Oliver fut un auteur essentiel dans l’histoire du blues pour ses écrits pionniers, à commencer par Blues Fell this Morning: The Meaning of the Blues. Paru en 1960, cet ouvrage est un des premiers livres génériques sur le blues avec The Country Blues de Sam Charters l’année précédente. Mais ses ouvrages suivants deviendront également des classiques du genre, dont Conversation with the Blues(1965), Screening the Blues: Aspects of the Blues Tradition(1968) et The Story of the Blues(1969). Il nous laisse également des livres plus spécialisés mais également très intéressants : Bessie Smith(1959), Savannah Syncopators: African Retentions in the Blues (1970), Songsters and Saints: Vocal Traditions on Race Records (1984), Blues Off the Record: Thirty Years of Blues Commentary (1984), Broadcasting the Blues: Black Blues in the Segregation Era (2006) et Barrelhouse Blues: Location Recordings and the Early Traditions of the Blues (2009). Il s’agit là d’une bibliographie pratiquement sans égale dans le secteur. Enfin, Paul Oliver était également un spécialiste de l’histoire de l’architecture…
Pour revenir à notre réédition de la semaine, la sortie de Blues Fell this Morning: The Meaning of the Blues en 1960 se complétait avec un disque d’accompagnement également intitulé « Blues Fell this Morning », Oliver s’étant bien sûr chargé de sélectionner les 14 morceaux alors retenus. C’était d’autant plus intéressant qu’il avait choisi des bluesmen méconnus ayant très peu enregistré (Lewis Black, Bob Campbell, Tallahassee Tight, Texas Bill Day et Billken Johnson, Otis Harris…), aux côtés d’autres plus notoires dont Barbecue Bob, Texas Alexander, Peg Leg Howell, Kansas Joe et Memphis Minnie, Blind Boy Fuller et Bukka White. En outre, il ne se cantonnait pas au Delta Blues et donnait de la place aux autres styles comme le blues de la Côte Est, à Memphis, au Texas ou encore aux string bands, à une époque où ils étaient très méconnus et peu évoqués. Jasmine réédite donc l’ensemble, tout en profitant du format CD pour ajouter 12 titres supplémentaires, on en compte donc 26 au total. Je n’émettrais qu’une petite réserve, j’aurais apprécié plus d’infos sur les enregistrements (cela oblige à faire des recherches…), mais c’est bien une anthologie fondamentale. J’ai choisi de passer dans mon émission un titre de 1930, Bad Boy, par un chanteur et guitariste de l’Alabama, autrement dit en gros de la Côte Est, qui enregistrait sous le nom de Barefoot Bill (il s’appelait en fait Ed Bell).
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