Réédition semaine copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Rhiannon Giddens (rubrique « Un blues, un jour ») et Bull Moose Jackson (rubrique « Réédition de la semaine »).

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© : Tanya Rosen-Jones/ The Guardian

 

Je cède à un véritable coup de cœur aujourd’hui en m’arrêtant sur une chanteuse en tous points exceptionnelle, Rhiannon Giddens, née le 21 février 1977, qui fête donc ses 42 ans. Il est possible que son nom ne vous dise pas grand-chose, mais vous la connaissez certainement en tant que membre des Carolina Chocolate Drops, ce groupe très éclectique de Durham en Caroline du Nord, qui fait autant dans le blues de la Côte Est, le string band, l’old-time music, le folk, le bluegrass ou même le gospel et la musique celtique. Giddens vient de Greensboro en Caroline du Nord, puis elle a étudié les sciences avant de sortir diplômée du très prestigieux conservatoire d’Oberlin dans l’Ohio. Car miss Giddens, qui est soprano, a débuté comme chanteuse d’opéra !

Mais en revenant dans son État natal, elle se replonge dans les traditions musicales de sa région. Véritable passionnée, elle ne fait pas les choses à moitié et s’adonné à plusieurs instruments : banjo, violon, guitare, kazoo… Elle s’intéresse également beaucoup à l’histoire de sa musique et de sa communauté (elle est métisse, née d’un père blanc et d’une mère noire), ce qui fera également d’elle une compositrice avisée dont les textes peuvent être très engagés, notamment contre le racisme. Mais c’est surtout une superbe chanteuse, et la pureté et l’émotion qui se dégagent de sa voix en font assurément une des grandes vocalistes de notre époque, d’autant, et ce n’est pas la moindre de ses forces, qu’elle peut pratiquement tout chanter. Ainsi, par exemple, même si c’est en marge du sujet de mes émissions et de mes articles, je vous invite à chercher sur Internet des vidéos dans lesquelles elle chante en gaélique, c’est juste fabuleux…

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© : Discogs

En novembre 2005, elle a fondé avec Dom Flemons et Sule Greg Wilson (multi-intrumentistes comme elle) les Sankofa Strings, qui deviendront donc rapidement les Carolina Chocolate Drops, avec en leur sein d’autres artistes notables dont Leyla McCalla et Justin Robinson, qui mèneront d’ailleurs tous de brillantes carrières en solo.La discographie de Rhiannon Giddens avec les Carolina Chocolate Drops est extrêmement consistante et donc très recommandée : « Dona Got a Ramblin’ Mind » (Music Maker, 2006), « Heritage » (Dixiefrog, 2007), le disque qui les a fait connaître, « Carolina Chocolate Drops & Joe Thompson » (Music Maker, 2008), « Genuine Negro Jig » (Nonesuch, 2010) peut-être leur CD le plus abouti en outre récompensé d’un Grammy Award, et « Leaving Eden » (Nonesuch, 2012). Il en manque un car je ne l’ai pas écouté, « Carolina Chocolate Drops Presents Colored Aristocracy: Sankofa Strings » (Music Maker, 2008), mais les critiques sont très positives… Quand à ses deux albums studio sous son nom, tous deux chez Nonesuch, « Tomorrow Is My Turn » (2015) et « Freedom Highway » (2017), ils sont également excellents, avec une mention spéciale pour le second, assurément un des meilleurs albums de l’année 2017.

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© : YouTube

 

Ma réédition de la semaine porte sur une anthologie consacrée à Bull Moose Jackson, que l’on doit au label Jasmine, un spécialiste du genre, et qui s’intitule « I Want a Bowlegged Woman – The Greatest Hits 1945-1955 ». Jackson pratiquait le saxophone, un très bel instrument, mais dans notre domaine, on compte finalement assez peu de saxophonistes qui furent aussi des leaders de leurs formations. En outre, comme son nom le suggère, cette compilation couvre la période 1945-1955, durant laquelle la concurrence était vraiment très forte car le R&B « cuivré » était en plein essor. Jackson a donc eu beaucoup de mérite d’imposer sa musique pendant ces années. Il vient de Cleveland dans l’Ohio où il est né Benjamin Joseph Jackson le 22 avril 1919, apprend le violon conformément au souhait de ses parents, mais le saxophone prend vite le pas et il forme son premier groupe, les Harlem Hotshots, dès le lycée.

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© : WVXU

Il débute vraiment en 1943 dans l’orchestre de Lucky Millinder, héritant du surnom « Bull Moose » car la forme de son visage rappelle l’orignal (ou élan, bull moose en anglais), ce grand cervidé aux bois aplatis… Puis Jackson signe chez King et enregistre trois ans plus tard ses premiers disques, et en 1947, sa chanson I Love You, Yes I Do atteint la première place des charts de Billboard et se vend à plus d’un million d’exemplaires, une performance encore rare à l’époque (certaines sources affirment qu’il s’agit même du premier disque de R&B à atteindre ce chiffre). Jackson se distingue aussi par ses chansons aux textes à double sens franchement osés, ce qui contribue à son succès même si certains de ses morceaux sont interdits à la radio ! C’est un excellent chanteur à la voix haute et claire qui va bien avec son saxo ténor tout en rondeur, et après avoir œuvré dans des orchestres étoffés de swing, il s’ouvre au R&B, à la ballade et au jump blues plus dépouillé avec ses propres Buffalo Bearcats. Il s’est pourtant retiré du business à partir du milieu des années 1950 (se contentant de réenregistrer son hit I Love You, Yes I Do en 1961) pour travailler dans la restauration. Mais près de trente ans plus tard, dans les années 1980, il accepte de revenir, non sans succès, réalisant même un album, « Moosemania! » (Bogus, 1985), sur lequel il chante mais ne joue pas de saxophone. Il est mort à 70 ans d’un cancer du poumon, le 31 juillet 1989. Jackson était donc capable de textes humoristiques et j’ai choisi pour mon émission un morceau assez particulier, sorte de jump blues churchy de 1948 dans lequel il commémore à sa façon le décès d’un diacre, Fare Thee Well, Deacon Jones.

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© : YouTube