Sur scène

Au programme de mon émission sur YouTube ,Sonny Boy Williamson I (rubrique « Un blues, un jour) et Rory Gallagher (rubrique « Sur scène »).

Le calendrier fait encore des siennes. Hier, j’évoquais Jazz Gillum, décédé un 29 mars. Et c’est aujourd’hui le tour de Sonny Boy Williamson I, né un 30 mars, en l’occurrence en 1914. Tous deux étaient harmonicistes, acteurs du blues urbain, et comme je l’expliquais également hier, Gillum a en quelque sorte passé le relais à Sonny Boy. Les styles des deux hommes différaient toutefois beaucoup. Gillum s’inscrit parmi les précurseurs de l’instrument dans les années 1930, en plein blues urbain, à une époque où l’harmonica est encore peu présent. Et surtout, son rôle est essentiellement rythmique, en soutien de la guitare et du piano qui sont alors au premier plan. De ce point de vue, Gillum assumait parfaitement cette mission dont la relative ingratitude pourrait laisser croire que son jeu était limité, alors qu’il était parfaitement en phase avec le style et l’époque. Bien entendu, il n’avait pas la virtuosité et l’invention de Sonny Boy Williamson I, qui était effectivement bien meilleur et va donc tout changer…

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Avec Big Bill Broonzy. © : Stefan Wirz

John Lee Curtis « Sonny Boy » Williamson, c’est son nom complet, vient de la région de Jackson, dans le Tennessee. Il apprend l’harmonica en autodidacte, progresse très vite et commence à arpenter sa région natale, dans le Tennessee et l’Arkansas en vue de faire carrière dans la musique. Sa rencontre avec d’autres musiciens locaux comme Yank Rachell et Sleepy John Estes, avec lesquels il se produit dans les rues, les bars et lors de soirées semble encore accélérer sa formation. Il prend progressivement la route pour du nord pour se fixer à Chicago en 1934, où il enregistre ses premiers disques trois ans plus tard. Et dès 1937, il signe ses premiers chefs-d’œuvre comme Good Morning School Girl, Sugar Mama Blues ou Early in the Morning, et il y en aura bien d’autres dans les années suivantes. Quant à la liste, évidemment non exhaustive, de ses accompagnateurs, elle laisse pantois : Robert Lee McCoy (futur Nighthawk), Big Joe Williams, Walter Davis, Henry Townsend, Yank Rachell, Speckled Red, Big Bill Broonzy, Joshua Altheimer, Blind John Davis, Washboard Sam, Ransom Knowling, Alfred Elkins, Charlie McCoy, Jump Jackson, Eddie Boyd, Big Maceo, Tampa Red, Willie Lacey, Willie Dixon…

Le succès sera bien entendu au rendez-vous, et pendant 10 ans, jusqu’en décembre 1947, le rythme des enregistrements de Sonny Boy ne ralentira pratiquement pas. Et seul son assassinat le 1erjuin 1948, à 34 ans, mettra fin à une carrière qui était évidemment loin d’être finie. On ne saura ainsi jamais comment sa musique aurait évolué avec l’avènement de l’amplification des instruments… Il nous reste donc son œuvre fondamentale, basée sur une étrange voix nasale mais très expressive, des textes devenus des standards du blues, et bien sûr un jeu d’harmonica novateur qui a changé le cours de l’histoire de ce petit instrument. Grâce à son esprit inventif tout en s’inspirant de sa « formation » rurale, il en a fait un instrument soliste, lui donnant une place au premier plan qu’il n’avait pas jusque-là et qu’il ne quittera plus… Bref, tous les harmonicistes lui doivent quelque chose ! Comme souvent, le label autrichien Document a rassemblé ses faces dans la série « Complete Recorded Works in Chronological Order » (en 5 volumes). J’ai sélectionné pour mon émission une de ses premières faces de 1937, Sugar Mama Blues, qui démontre combien il était moderne pour l’époque. Il est accompagné aux guitares de Big Joe Williams et de Robert Lee McCoy.

 

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© : Pixbear

Pour cette page « Sur scène », j’ai repris un peu le principe de la rubrique « Un blues, un jour » en cherchant un concert datant du 30 mars. Et je n’ai pas eu beaucoup de mal car je suis assez vite tombé sur un concert de Rory Gallagher, enregistré le 30 mars 1990 à Baden Baden en Allemagne, qui a d’ailleurs l’objet d’un DVD plus ou moins officiel, « Ohne Filter – Baden-Baden – 30 March 1990 ». Rory Gallagher m’a toujours paru un peu inclassable. Rock, blues, blues rock, boogie rock et même hard rock, voire musique celtique, il a évolué aux frontières de plusieurs genres. Sa période hard rock me laisse plutôt indifférent, mais je l’ai vu deux ou trois fois en concert au tournant des années 1970 et 1980, avant cette période donc, et après avoir écouté en boucle son fameux live « Irish Tour ‘74 » (Polydor).

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© : RTÉ

Je me souviens de son incroyable générosité sur scène, de sa façon touchante de s’adresser au public, avec cette phrase qui revenait toujours en annonçant un morceau, « Hope you’ll like it », j’espère que vous aimerez. Et je me souviens peut-être surtout de ces pauses qui venaient rompre le fil de ses spectacles, durant lesquelles il sortait un bottleneck, une guitare acoustique, un harmonica, un dobro ou même une mandoline… Il se plongeait alors dans un blues sincère et parfaitement bien assimilé, et, du moins à mon sens, il faut reconnaître que la magie opérait… Plus tard dans sa carrière, malgré le durcissement de sa musique et des problèmes de santé qui transformèrent aussi son apparence, il ne renonça jamais à s’octroyer ces parenthèses sur scène, et c’est un de ces moments particuliers et intimistes, seul avec son dobro, que j’ai choisi pour mon émission, Wanted Blues.