Depuis début décembre 2021, je rediffuse sur ce site les dix épisodes de la série réalisée par Miguel Octave, « La fabuleuse histoire de la musique guadeloupéenne », une production Zycopolis avec France Télévisions. Voici maintenant le dixième et dernier épisode, intitulé « La diffusion de la musique, du bal aux plateformes ». Il débute donc avec les bals des années 1950, avec des orchestres qui jouaient jusqu’à l’aube. Selon les endroits ,on trouvait des orchestres étoffés ou des groupes plus petits, les combos. Tous connaissaient le répertoire des autres, ce qui leur permettait de tout jouer. Certains s’affrontaient aussi lors de duels musicaux, ils se préparaient lors d’autres bals, de thés dansants, pendant la fête patronale… On rencontrait plusieurs publics, certains venaient simplement écouter de la musique, le groupe ou un musicien précis, d’autres donnaient satisfaction à leurs femmes qui attendaient de leurs maris qu’ils demandent à l’orchestre de leur jouer une chanson. Bien entendu, des couples étaient là pour danser, pendant que des personnes seules draguaient. Dans tous les cas de figure, toutes les couches de la société cohabitaient, mais il y avait des codes, surtout pour la tenue qui devait être correcte, les participants étaient costumés, cravatés.
Puis les choses commencent à évoluer à partir du milieu des années 1960 avec le tourne-disque et la radio, qui ne sont toutefois pas accessibles à toutes les couches sociales. Alors le système D prévalait : si un voisin en possédait, il mettait la musique à fond, ainsi d’autres en profitaient, et la musique se transmet aussi comme ça dans le milieu rural. Progressivement, le disque se développe en même temps que la radio, qui en outre se démocratise et devient un moyen de diffusion. L’épisode s’arrête alors sur le parcours d’André Haan, fondateur dès 1937 de la première radio en Guadeloupe. Selon Bertrand Dicale, « les programmateurs faisaient n’importe quoi, ce qui était absolument génial », ils mélangeaient absolument tous les styles de musique, variété française, musique guadeloupéenne, classique… En outre, il n’y avait pas de censure… La radio se transforme en vecteur culturel, et l’ouverture de la bande FM avec la création des radios libres favorise à la fois un accès au plus grand nombre et la diffusion des musiques guadeloupéennes.
Nouveau changement dans les années 1990, la Guadeloupe n’échappe pas aux contraintes de l’audimat, les radios deviennent des entreprises et appartiennent à des groupes. La dernière partie évoque forcément les musiques urbaines et le phénomène du streaming, qui se traduit par une boulimie de consommation : dès lors, on ne prend plus le temps d’apprécier un album. Aujourd’hui, on traite des fichiers numériques, ce qui permet d’écouter ce que fait un artiste partout dans le monde, ce n’est plus une transmission familiale mais par les plateformes et les réseaux, on vit l’ère de la musique jetable. En conclusion, quel que soit le moyen de diffusion, sachons surtout collecter et conserver. Les principaux intervenants de ce volet sont Victor Mouéza, Marius Duhamel, Max Séverin, Philippe Pilotin, Max Labor, Jacky Dulice, Franck Garain, Jean-Marc Dulice, Éric Nabajoth, Pierre Francillonne, Willy Salzédo, Jean-Philippe Rangassamy, les frères Fanfant et Emmanuel Foucan « Shorty ».
On va regretter cette série bien construite et très complète avec des interventions toujours pertinentes, qui m’a séduit épisode après épisode sans jamais générer l’ennui. Quant à Miguel Octave, on ne peut que le féliciter tant il a démontré tout son savoir-faire dans le domaine de la musique, comme il vient récemment de le refaire avec son documentaire Studio Debs (lire mon article du 2 février 2022). La série s’adresse bien entendu à celles et ceux qui ne connaissent pas ou mal les musiques guadeloupéennes, et qui souhaitent donc les découvrir ou mieux les appréhender : pour cela, ils disposent désormais d’une collection très documentée qui s’arrête sur l’histoire de tous les différents aspects de ces musiques qui font l’identité de l’archipel, qui nourrissent sa culture et ses traditions multiséculaires. Les professionnels du monde de la musique (des artistes aux organisateurs en passant par les producteurs, enseignants, agents…) seront heureux de voir ce patrimoine qui préserve leur histoire rassemblée sur un seul et même support. En cela, cette série est fondamentale car elle comble un manque tant les archives portant sur ces traditions étaient rares, ce qui entravait leur propagation et leur transmission aux jeunes générations. Bref, toutes mes félicitations à toutes celles et ceux qui ont contribué à cette fabuleuse histoire ! Comme précédemment, ce dixième volet est disponible à cette adresse.
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