Francky Vincent à Cahors le 17 août 2017. © : DDM Archives / Michaël Fabre / La Dépêche.

Un petit tour du côté de la Guadeloupe avec un artiste emblématique, Francky Vincent. Or, la récente publication du ministère de la Culture nous apprend que l’artiste fait partie de la dernière promotion des Arts et des Lettres. Le voici donc très officiellement Chevalier des Arts et des Lettres, une décoration certes honorifique, mais comme le précise le site du ministère : « Cet ordre (des Arts et des Lettres) est destiné à récompenser les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution au rayonnement qu’elles ont apportée au rayonnement des Arts et des Lettres en France et dans le monde ». Né Franck Joseph Vincent le 18 avril 1956 à Pointe-à-Pitre, il abandonne ses études juste avant le baccalauréat, vit de petits boulots tout en formant en 1974 le groupe Tabou n° 2, avec lequel il commence à se produire en Guadeloupe.

© : Discogs.

Sa carrière discographique commence très vite avec deux albums dès 1975 et 1976, « Ambition » et « Ti Paulette ». D’autres suivent dont deux avec les Vikings de la Guadeloupe, « Francky Vincent » (Doc Porno) et « Francky Vincent – L’âme de Tabou n° 2 », tous deux en 1981, puis avec Malanga et Kassav’, toujours dans les années 1980. Un des pseudos choisis par le chanteur (qui est également percussionniste, guitariste, joueur de gwo ka et d’intonarumori*), « Docteur Porno » est des plus explicites. Francky Vincent va en effet se distinguer par des chansons aux textes grivois, qui feront plus sa popularité dans l’Hexagone et le reste du monde que dans son archipel natal, où il sera parfois censuré.

© : Discogs.

Mais en 1990, il décide de prendre sa carrière en main, crée sa propre maison de production et connaît de nombreux succès dont les célèbres Alice ça glisse et Fruit de la passion (Vas-y Franky c’est bon). Si sa carrière marque ensuite un peu le pas, il retrouve toute sa verve (et son verbe !) dans les années 2010, et, du haut de ses vingt-trois albums, il reste parmi les artistes antillais les plus en vue de son époque. Il est particulièrement facile de faire un parallèle entre les textes de Francky Vincent et ceux du dirty blues, le blues paillard, à son apogée dans les années 1930. Si les paroles de ces chansons se caractérisent par leur connotation sexuelle, elles se distinguent surtout par leur humour débridé, et il ne faut évidemment pas les prendre au premier degré. Je vous propose ci-dessous une sélection de chansons en écoute et deux articles en lien avec ce thème.

Francky Vincent en 2021. © : Dig Studio.

À écouter
Ambition, par Francky Vincent et Tabou n° 2 en 1974.
Dans la chaleur de la nuit, par Francky Vincent avec les Vikings de la Guadeloupe en 1981.
Tu es razé, par Francky Vincent avec Malanga en 1982.
Alice ça glisse par Francky Vincent en 1990.
Tu veux mon zizi par Francky Vincent en 2009.
Ram rod daddy par Bo Carter en 1931.
(I just wanna be) your floormat par Harmonica Shah en 2021. Cet excellent bluesman de Détroit (chant et harmonica) perpétue la tradition du dirty blues, avec ici une chanson dont le titre se traduit par « Je veux juste être ton paillasson » !

© : Caraïbéditions.

À lire
Mon article du 19 février 2021 sur la parution du livre d’Esther Eloidin, Quatre siècles de chansons grivoises et paillardes aux Antilles-Guyane (Caraïbéditions, 328 pages, 25 euros).
Mon article du 22 septembre 2022 sur le chanteur et guitariste Bo Carter, sans doute le meilleur « spécialiste » du dirty blues.
(*) Instrument de musique acoustique bruiteur inventé en 1913 par l’Italien Luigi Russolo, composé de trompes, et qui consiste à créer des harmonies entre le bruit et le son dans le sens musical du terme, quelque douze ans avant l’apparition des premiers enregistrements électriques (vers 1925).

© : Discogs.