Chanteur et guitariste de la Côte Est, Bumble Bee Slim fit toutefois l’essentiel de sa carrière dans les années 1930 à Chicago, où cet artiste parmi les plus populaires de son temps fut un des principaux acteurs du premier blues urbain. Né Admiral Amos Easton le 5 mai 1905 à Brunswick, une ville côtière en Géorgie, il perd son père à seulement quatre ans. Sa mère se remarie rapidement pour élever ses six enfants, mais elle tombe sur un homme alcoolique et violent avec sa femme comme ses rejetons. Livré à lui-même, Admiral commence dès ses sept ans à chercher du travail au port de la ville, où il aide au chargement et au déchargement des navires. Dans l’effervescence de la zone portuaire, il rencontre des, conteurs, des chanteurs, des musiciens, souvent itinérants. L’un d’eux, Root Toot, qui chante et joue de la guitare slide, l’attire tout particulièrement.
À neuf ans, Easton quitte sa famille, vit en vendant des cacahuètes ou comme garçon coiffeur, augmente son pécule en chantant et en dansant des claquettes pour les clients du salon. En 1920, il vit du côté d’Atkinson à l’ouest de Brunswick. Il est alors engagé dans le cirque des Ringling Brothers avec lesquels il tourne dans le Sud et le Midwest pendant deux ans, une période durant laquelle il apprend sans doute à jouer de la guitare et prend le pseudonyme de Bumble Bee Slim. Easton incarne alors l’artiste itinérant par excellence, fréquent passager clandestin des trains, ce qui lui vaut parfois d’être arrêté pour vagabondage. Année après année, il ne cesse de développer ses capacités, se découvre un talent de parolier, se réoriente de plus en plus vers le blues, anime des soirées et se produit dans de petits clubs.
L’année 1928 est un tournant. Désormais à Indianapolis, il est fasciné par Leroy Carr et Scrapper Blackwell qui l’influencent énormément. Du premier, il reprendra certaines inflexions vocales un peu traînantes, et il réadaptera son style de guitare en fonction du jeu très sophistiqué du second. Bumble Bee Slim l’ignore, mais cette musique, surtout quand elle s’agrémentera de textes légers et humoristiques dont il sera un spécialiste, préfigure donc le premier blues urbain. Après une courte étape à Hilden en Floride, Slim arrive à Chicago en 1931, mais c’est à Grafton, Wisconsin, qu’il grave ses six premières faces en octobre de la même année. Ensuite, de mars 1932 à 1934, il enregistre quatorze chansons, cette fois à Chicago pour Vocalion, parmi lesquelles des compositions qui deviendront célèbres comme M and O blues (avec Georgia Tom Dorsey au piano !), Greasy greens, B and O blues, Wrecked life blues…
Sa carrière entre dans une nouvelle dimension le 23 mars 1934 quand il signe pour le label Bluebird, tout en enregistrant pour d’autres marques importantes de l’époque comme Decca, Vocalion et Champion. Cela permet surtout à Slim d’apporter de la variété à son œuvre car il peut dès lors s’accompagner des plus grands du blues urbain, ses accompagnateurs comprenant Big Bill Broonzy, Carl Martin, Ted Bogan, Charlie Segar, Horace Malcolm, Myrtle Jenkins, Charlie McCoy, Black Bob, Scrapper Blackwell, Peetie Wheatstraw, Memphis Minnie, Casey Bill Weldon, Albert Ammons, Bill Gaither Blind John Davis et Washboard Sam. De 1934 à 1937, Bumble Bee Slim enregistre plus de cent cinquante chansons, soit plus que n’importe quel bluesman sur la période ! Mais à la fin des années 1930, son blues largement basé sur la formule acoustique chant/guitare/piano est peu à peu supplanté par celui de petites formations électriques plus étoffées avec cuivres, harmonica et sections rythmiques complètes. Slim se fixe alors à Los Angeles où il rêve de faire carrière dans le cinéma, tente un timide retour à la musique en 1951, sort un album quelconque en 1962 avec le guitariste de jazz Joe Pass, et ne retrouve jamais sa popularité des années 1930 (heureusement, le label Document a réédité l’intégralité de sa discographie). Dans un quasi anonymat, une honte quand on sait son importance dans l’histoire du blues, Bumble Bee Slim continue de jouer dans les clubs locaux et s’éteint le 8 juin 1968 à soixante-trois ans.
Voici maintenant notre sélection de chansons en écoute.
– Yo yo string en 1931. Son tout premier morceau, malheureusement avec un gros souffle…
– M and O blues – Part 1 en 1932.
– B and O blues en 1932.
– Wrecked life blues en 1934.
– Let’s pitch a boogie woogie en 1935.
– Everybody’s fishin’ en 1935.
– Dumb tricks blues en 1936.
– Going back to Florida en 1937.
– Strange angel en 1961.
Les derniers commentaires