Auteur de deux albums, ce pianiste-chanteur relativement peu connu fut pourtant à l’origine d’une école pianistique très influente au Texas, où il passa l’essentiel de son existence. Shaw voit le jour le 9 août 1907 (l’année 1908 est également citée, y compris par Shaw lui-même) à Stafford, Texas, une ville à quelque 20 kilomètres au sud-ouest de Houston, dont elle fait aujourd’hui partie de l’aire métropolitaine. À l’époque de sa naissance, la région est rurale et il grandit dans le ranch de son père. La famille ne semble pas dans le besoin et ses parents possèdent un piano à queue de marque Steinway. Sa mère en joue et l’enseigne à deux de ses filles, mais pas à Robert, car pour des raisons mal définies, son père semble s’y opposer…
Dans une interview passionnante et très détaillée accordée le 21 juillet 1975 à Robert Springer dans le numéro 129 de Blues Unlimited (« Being Yourself Is More Than Tryin’ To Be Somebody Else ») dont nous vous conseillons vivement la lecture, Robert Shaw revient sur son apprentissage qui s’est en partie passé durant la Prohibition : « J’étais alors un petit garçon et j’aimais regarder les femmes danser et enlacer ces types qui jouaient du piano pour s’amuser. Et vous savez comment les garçons se comportent : ils aiment attirer l’attention en grandissant, et comme les autres, j’avais juste envie de faire quelque chose pour rendre les gens heureux. » Avant d’ajouter : « À l’époque de la Prohibition, le whisky était vendu clandestinement mais chez n’importe quelle personne bien informée, on trouvait quinze ou vingt personnes en train de boire ! »
Malgré tout, Shaw profite de la moindre occasion en écoutant ses sœurs qui bénéficient des leçons d’un professeur, mais aussi de l’absence de ses géniteurs pour jouer lui-même. À terme, son abnégation paie, et encore adolescent, il assiste à des concerts de jazz et de blues, puis parvient à se payer des cours. Précoce, il s’initie au style barrelhouse au contact de musiciens du fameux Fourth Ward à Houston. Mais son style prend un tournant singulier car il prend également part au circuit de Santa Fe, du nom des trains de marchandises empruntés par les musiciens qui se rendent dans cette ville du Nouveau-Mexique. Shaw découvre alors un nouveau style pianistique très populaire, le boogie-woogie. Sa musique personnelle se structure, entre barrelhouse, jazz, blues et donc boogie-woogie, caractérisée par une complexité qui sera sa marque.
Malgré cette originalité, de fréquentes performances qui le mènent au-delà de son Texas natal, en particulier à Kansas City, à Chicago et à Oklahoma City où il anime une émission de radio, il ne décroche pas de contrat d’enregistrement. Il s’installe en 1935 à Austin et ouvre une épicerie. Sans jamais abandonner le piano, il se met toutefois en retrait de l’industrie musicale. Une parenthèse qui dure près de 30 ans, à l’issue de laquelle Shaw grave en 1963 pour le label Almanac de Mack McCormick l’album « Texas Barrelhouse Piano ». Un disque remarquable qui sera d’ailleurs réédité en 1967 chez Arhoolie sous le titre « The Ma Grinder », et qui se distingue, outre le jeu inventif au piano de Shaw et sa voix voilée, par ses textes grivois. Après sa retraite, le bluesman tournera abondamment (il sera un « pilier » du festival de Kerrville), y compris en Europe, et sera enregistré en 1971, pour un album qui sortira en 1998 chez Document, « Robert Shaw : The 1971 Party Tape ». Robert Shaw est emporté le 18 mai 1985 par une crise cardiaque, à l’âge de soixante-dix-sept ans.
Notre sélection de chansons en écoute met en avant le talent de ce bluesman.
– Here I come with dirty dirty duckins on en 1963.
– The Ma grinder en 1963.
– Whores is funky en 1963.
– She used to be my baby en 1982.
– Piggly wiggly / Do the mess around / Playing in the grass en 1983.
– À voir : An Evening with Robert Shaw: Barrelhouse Blues, film de Charles Vaughn sur Robert Shaw (1977).
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