Du côté du festival blues de Lucerne, un des plus importants du genre sur le Vieux Continent, les informations sont parfois un peu chiches de la part de nos amis suisses. Mais heureusement, quand elles « tombent », elles sont généralement de première main. Ce sera sans doute le cas pour la prochaine édition, qui se déroulera du 11 au 19 novembre 2023. S’il faudra attendre le 4 septembre pour connaître la programmation complète, le festival vient toutefois de révéler qu’il accueillera en première européenne le chanteur-guitariste D.K. Harrell. Dans un article du 14 mai 2023, nous avions brièvement évoqué ce jeune bluesman prometteur âgé de seulement vingt-cinq ans, récent auteur de son premier et excellent album chez Little Village, « The Right Man ». Profitons-en pour mieux faire connaissance avec lui.

Il est né D’Kieran Harrell le 24 avril 1998 à Ruston, une ville à l’est de Shreveport au nord de la Louisiane. Dans sa jeunesse, il s’intéresse à la musique surtout grâce à ses grands-parents, comme il le rapporte à Scott Barretta dans le numéro 281 de Living Blues : « Sans eux, je n’en serais pas où j’en suis aujourd’hui dans ma carrière. Mes grands-parents écoutaient beaucoup de bluesmen, Bobby « Blue » Bland, Joe Williams, Jimmy Witherspoon, Ike Turner avant Tina, sur des vinyles qu’ils possédaient depuis des années ». Il apprend l’harmonica à onze ans en découvrant Little Walter. Il se met peu après à la guitare, d’abord influencé par des bluesmen plutôt ruraux comme John Lee Hooker et Muddy Waters, mais peu à l’aise à la slide, il se tourne vers B.B. King qu’il admire.

En grandissant, outre l’écoute de disques, il commence à étudier dans le détail le comportement des bluesmen, et donc particulièrement de B.B. King, en regardant des vidéos, des documentaires, des concerts : « J’accorde beaucoup d’importance au temps que j’ai passé à étudier les vidéos des concerts de mes idoles. Certains se contentent de les regarder seulement pour l’amour de la musique, mais je m’en servais pour étudier comment on doit se comporter sur scène avec les autres musiciens, et comment gérer les incidents, une rupture de cordon [électrique], les éclairages… » Harrell exploite sans doute cette expérience en septembre 2019, lors d’un symposium lors du B.B. King Day à la Mississippi Valley State University à Itta Bena, où il se produit avec les anciens musiciens de Little Milton, Bobby Bland, et bien sûr B.B.

Son style moderne s’affirme et l’année 2022 marque un changement de division. Avec le groupe Soul Nite, il est troisième de l’International Blues Challenge à Memphis (remporté pour la première fois par des Français, les Wacky Jugs), puis récompensé par la Jus’ Blues Foundation du « King of the Blues » Award (Tribute to B.B. King). L’année en cours semble donc s’inscrire sous les meilleurs auspices avec la sortie en mai dernier de son premier album « The Right Man », sur lequel l’influence de B.B. King ressort (ceci dit, vocalement, il me rappelle parfois un autre King, entendez Freddie…), mais Harrell n’a volé à personne sa voix superbe pleine de maturité et son jeu de guitare brillant et intense. Et son disque, qui bénéficie en outre de tous les moyens de Little Village avec la production signée Kid Andersen dans son studio Greaseland, et les formidables musiciens que sont Jim Pugh (kbds), Jerry Jemmott (b) et Tony Coleman (dm, ancien batteur de B.B. King), est une grande réussite. D.K. Harrell est bien une révélation à suivre de très près.

Voici maintenant quelques chansons en écoute, les trois dernières issues de son album.
The thrill is gone en 2019.
My babe en 2021 avec Vince Johnson.
Don’t give a damn about your heart en 2022.
Not here for a long time en 2022.
Trying to love you again en 2022.
The right man en 2023.
Hello trouble en 2023.
Honey ain’t so sweet en 2023.
Photos : © D.K. Harrell / Facebook.