La carrière de J.J. Malone fut particulièrement riche. On connaît l’artiste (chanteur, guitariste, pianiste, harmoniciste), mais il fut aussi cadre pour le label Fantasy et gérant de club, un ensemble d’activités qui font de lui une figure importante de la scène blues californienne pendant trois décennies, soit les années 1970-1990. Il naît toutefois John Jacob Malone le 20 août 1935 à Peets Corner, non loin d’Athens, dans l’Alabama. Encore enfant, il acquiert auprès d’un lointain cousin une vieille guitare déglinguée dont il apprend d’abord à jouer seul, mais il se perfectionne sur l’instrument avec son père Charlie Malone, un bon adepte de la guitare slide. Également fervent chrétien, Malone père emmène souvent son fils à l’église où il chante du gospel. Comme il apprend ensuite l’harmonica puis le piano, J.J. Malone est déjà un musicien accompli vers l’âge de treize ans.
L’adolescent exploite ses talents précoces pour animer des soirées familiales ou entre amis et autres fish fries. Selon la biographie sur le site de ses archives (voir lien en fin d’article), il est alors influencé par des artistes de blues, de gospel et de R&B dont Lightnin’ Hopkins, Louis Jordan, Washboard Sam, Memphis Minnie, Sister Rosetta Tharpe et Muddy Waters. En 1952, il suit son frère aîné à Indianapolis où il travaille pour le Veterans’ Canteen Service (organisme en faveur des anciens combattants) et dans un hôpital. Il s’engage ensuite dans l’armée de l’air et stationne à la Fairchild Air Force Base près de Spokane dans l’État de Washington. Rendu à la vie civile, il forme son premier groupe à Spokane, les Rockers, qui deviennent peu après les Tops in Blues.
Mais les engagements sont rares à Spokane, et Malone estime (à juste titre !) qu’il s’en sortira mieux en Californie. Il prend donc la route de Fresno et fonde un nouveau groupe, les Rhythm Rockers qui comprennent notamment le chanteur-guitariste Troyce Key, auteur en 1958 d’une version de Baby please don’t go accompagné d’Eddie Cochran ! En 1962, le label Chance sort un single des Rythm (sic) Rockers, Sail on / Does she love me, sur lequel Malone apparaît sous le simple nom « J.J. » (mais John Malone sur la deuxième chanson, Troyce Key étant crédité des arrangements sur la première). La formation tourne sur la Côte Ouest et Malone s’installe à Oakland en 1966, mais il ne vit pas encore totalement de la musique car il travaille également comme mécanicien.
En 1969, J.J. Malone signe chez Galaxy, une filiale de Fantasy, et grave People say, puis deux autres singles, It’s a shame / Danger zone (1972) et I’m so glad / Whatever it is (1973). Ces enregistrements initiaux de Malone sont plutôt dans une veine entre R&B et soul. Parallèlement, il gagne la confiance du producteur maison, Ray Shankin, qui lui confie un rôle important de compositeur et d’arrangeur auprès d’artistes comme Little Johnnie Taylor, Big Mama Thornton, Sonny Rhodes et le groupe Creedence Clearwater Revival, même si dans ce dernier cas il ne sera jamais crédité. Manifestement hyperactif, Malone achète aussi avec son ami Troyce Key le Eli’s Mile Club. En 1977, il participe à l’album de Sonny Rhodes « I Don’t Want My Blues Colored Bright » chez Advent, puis il en partage deux avec Troyce Key et les Rhythm Rockers (qui existent donc toujours !) en 1980 et 1982 chez Red Lightnin’, « I’ve Gotta New Car » et « Younger Than Yesterday ».
L’année 1982 marque aussi la réalisation de son premier album sous son nom, « The Enemy Called Hate » (Cherrie), suivi de deux autres, « Fire & Smoke –Here Comes J.J. » (Cherrie, 1987) et « Bottom Line Blues » (Eli Mile High, 1989). Trois disques remarquables, exemplaires du blues de la Côte Ouest, variés et originaux, dont Malone signe ou cosigne généralement toutes les chansons, mais hélas mal distribués… Mais la musique de Malone, sa voix chaleureuse et soulful, sa maîtrise du piano et de la guitare grâce à laquelle il teinte son blues de soul, voire de funk, mérite mieux. Dans les années 1990, il tourne en Europe, ce qui nous permet d’apprécier son talent, et il réalise trois nouveaux albums toujours d’un excellent niveau : « Highway 99 » (Fedora, 1997), « See Me Early in the Morning » (Fedora, 1999) et « And the Band Played On » (Blues Express, 2001). Ensuite, Malone, précédemment traité pour un cancer, se fixe à Hawaii, où il joue avec d’anciens accompagnateurs du bluesman Luther Tucker, dont la fin de carrière s’était déroulée en Californie. Mais J.J. Malone rechute et la maladie l’emporte à Lahaina sur l’île de Maui, le 21 février 2004 à l’âge de soixante-huit ans.
Outre notre habituelle sélection de chansons en écoute, nous vous conseillons vivement d’accéder aux archives en ligne de J.J. Malone, sous le titre Guide to the J.J. Malone Audiovisual Collection, conservée sur le site Online Archive of California : outre une biographie complète dans laquelle nous avons puisé pour la rédaction de cet article, elle contient des enregistrements en public et en studio, des interviews, des vidéos personnelles… Attention toutefois, tous ces documents ne sont pas librement accessibles et des autorisations sont dès lors requises. Mais il est bien rare que des bluesmen fassent l’objet d’une telle initiative, qui contribue indiscutablement à la préservation du blues et de ses acteurs.
– People say en 1969 par J.J. Malone.
– J.J.’s blues in G en 1977 par Sonny Rhodes avec J.J. Malone au chant.
– Sweet taters and possum meat en 1980 par Troyce Key, J.J. Malone & The Rhythm Rockers.
– Louisiana blues en 1982 par Troyce Key, J.J. Malone & The Rhythm Rockers.
– My honey en 1982 par J.J. Malone.
– Cajun queen en 1989 par J.J. Malone.
– Sittin’ here thinkin’ en 1997 par J.J. Malone.
– Leave here walkin’ en 1999 par J.J. Malone.
– Down that lonesome road en 2001 par J.J. Malone.
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