Avec ce numéro 5, nous arrivons déjà à la moitié de ma liste de dix disques qui ont selon moi marqué cette année 2023… J’ai choisi l’album « Yellow Peril » enregistré par Nat Myers pour le label Easy Eye Sound du producteur Dan Auerbach. Natif du Kansas mais d’origine coréenne, Myers est un jeune chanteur-guitariste de trente-deux ans qui a étudié la poésie (cela se ressent autant dans ses textes que dans son interprétation décomplexée) et joué dans les rues à New York. Il s’agit d’un premier album et pour moi d’une véritable et superbe révélation. Myers surprend d’abord par sa maturité et surtout son étonnante versatilité vocale qui lui permet d’incarner les différentes facettes du country blues. À la guitare, ou plus exactement au dobro, en slide comme en picking, il semble avoir assimilé avec la même aisance les différentes « écoles » des pionniers du blues.

Tout cela fait la force de cet album. Car si on identifie facilement les « sources », et si on pourrait dès lors craindre de vaines imitations, on se délecte écoute après écoute en trouvant dans chaque chanson de nouvelles nuances et des paroles qui dévoilent une originalité rare. Le répertoire est donc varié avec un penchant marqué vers le blues de Memphis et les jug bands (Trixin’, Duck n’ dodge, Misbehavin’ mama), 75-71 et son picking impeccable, Pray for raindans un registre folk blues plus « léger » (seul morceau avec un groupe), Ramble no more très terrien avec sa voix plus rauque et son foot stomping entêtant, Heart like a scroll que n’aurait pas renié Mississippi John Hurt… L’ensemble est d’un haut niveau constant, mais mes trois chansons préférées, que je vous propose aussi en écoute, sont les suivantes : Yellow peril qui convoque Patton et son Mississippi boweavil blues avec des paroles très actuelles, le blues lancinant Roscoe, enfin le sombre Undertaker blues qui nous emmène du côté de Bentonia malgré sa slide…
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