Au programme de mon émission sur YouTube, Lil’ Jimmy Reed (rubrique « Un blues, un jour »), et Johnny Winter (rubrique « Sur scène »).
Nous allons remonter plus de trois siècles en arrière, pour évoquer une révolte d’esclaves survenue à New York le 6 avril 1712. À cette époque, New York est une des treize colonies britanniques de la côte est de l’Amérique du Nord, qui seront à l’origine de la fondation des États-Unis en 1776. En 1712, nous sommes surtout moins d’un siècle après l’arrivée en 1619 des premiers esclaves africains sur le sol des futurs États-Unis, en Virginie (laquelle, fondée en 1607, est d’ailleurs la plus ancienne des treize colonies). Les révoltes d’esclaves sont donc encore très rares, d’autant que les autorités n’ont évidemment pas le moindre intérêt à leur faire de la « publicité », en quelque sorte… et qu’elles sont de toute façon de faible ampleur et presque toujours tuées dans l’œuf.
Celle du 6 avril 1712 se démarque, car en plus d’être évidemment la première à New York, elle ne mit pas en scène un simple groupuscule et fut particulièrement meurtrière. Jusqu’en 1664, la colonie s’appelait Nouvelle-Amsterdam et appartenait aux Néerlandais, avant d’être conquise par les Anglais qui la rebaptisèrent donc New York. Mais en reprenant ce territoire, les Britanniques n’ont cessé de durcir les lois à l’égard des esclaves tout en les privant des droits – déjà maigres – que leur octroyaient les Néerlandais. C’est la principale raison pour laquelle 25 esclaves dont 23 Noirs – les deux autres étaient amérindiens – se soulevèrent et tuèrent 9 Blancs ce fameux 6 avril 1712. La répression fut évidemment terrible pour dissuader les éventuels candidats à d’autres révoltes : 70 Noirs furent arrêtés et jetés en prison, parmi lesquels 6 se suicidèrent. À l’issue d’un procès, 21 esclaves furent condamnés à mort, dont 20 finirent sur le bûcher, le dernier étant roué vif.
Ce fut la première d’une longue série de rébellions qui se terminaient rarement bien pour leurs auteurs… Le révolte eut d’autres effets négatifs car la colonie et la municipalité en profitèrent pour mettre en place des lois encore plus sévères à l’égard des esclaves noirs et amérindiens. Beaucoup d’artistes ont chanté New York, dans tous les styles, y compris dans le blues même si ce n’est pas la ville la plus souvent citée. Jimmy Reed a ainsi composé un textesur New York, Going to New York. J’ai toutefois retenu pour mon émission une reprise par un artiste que se fait appeler Lil’ Jimmy Reed, et qui utilise donc le nom de son illustre aîné pour se faire mieux connaître. Sans rapport de parenté avec Reed car il s’appelle Leon Atkins, il joue dans le même registre mais c’est un bon bluesman, plus qu’un simple imitateur. Sa reprise, extraite de son album « Blues in Paradise » (Fast Western), date de 2015.
Pour la page « Sur scène » du vendredi, je prends plaisir à chercher des concerts de la date du jour. Cela porte aujourd’hui sur Johnny Winter et nous allons donc remonter au 6 avril 1983, et prendre la route du Massey Hall, à Toronto au Canada. À cette époque, à 39 ans, le chanteur et guitariste originaire de Beaumont au Texas est une star planétaire et sans doute plus connu dans le monde du rock que du blues. L’homme qui joue plus vite que son ombre est surtout en pleine possession de ses moyens. J’ai toujours apprécié Winter quand il se plongeait dans le blues le plus sincère, car il avait d’abord cette voix très sudiste, et ce jeu de guitare heurté ou bien transcendant selon qu’il joue en slide ou non. C’étaient des caractéristiques bien à lui qui le rendaient immédiatement reconnaissable, ce qui constitue toujours un gage de qualité…
En revanche, ses dernières années furent très difficiles. Très diminué par la maladie, il avait perdu sa voix qui était quasiment incompréhensible, et à la guitare il jouait constamment faux… Je me souviens d’un concert à Vienne en 2013, on aurait dit un fantôme, un spectre… Bien sûr, lui voulait sans doute continuer de se produire. Mais c’était franchement pitoyable et j’en voudrai toujours à son entourage de ne pas avoir su lui dire d’arrêter à temps, car cela donnait une image vraiment indigne de lui. C’est vrai, je suis en colère contre ces gens qui entourent les musiciens, et qui font passer les considérations mercantiles avant l’aspect artistique et même la santé des musiciens. Voilà, il faut le rappeler de temps à autre, et il se trouve que Johnny Winter, sans doute une fois encore involontairement, incarne ce genre de dérive. Heureusement il nous reste sa musique, à une époque où il était carrément flamboyant. Comme ce morceau du 6 avril 1983 que j’ai programmé et qui s’appelle Sweet Papa John.
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