Au programme de mon émission sur YouTube, Archie Edwards (rubrique « Un blues, un jour ») et les Cash Box Kings (rubrique « Nouveauté de la semaine »).
Je vous propose de nous arrêter aujourd’hui sur le parcours d’un certain Archie Edwards, qui nous a quittés il y a 21 ans, le 18 juin 1998. Hélas bien oublié aujourd’hui, ce chanteur et guitariste fut pourtant un excellent représentant du blues de la Côte Est. Né le 4 septembre 1918 à Union Hall au sud de la Virginie, il a baigné dans la musique dès son enfance. En effet, son père était harmoniciste, banjoïste et guitariste, et il jouait régulièrement avec des musiciens locaux ou d’autres de passage. Avec deux de ses frères, même s’il doit d’abord partager avec eux la même guitare, Archie est le plus assidu. Il progresse vite et parvient à se faire de l’argent de poche en jouant dès l’âge de 12 ans.
Outre son père et les musiciens itinérants qui le visitent, alors que l’essentiel de l’activité dans cette région rurale se déroule autour de la culture du tabac et du maïs, il entend aussi des artistes comme Blind Boy Fuller, Blind Lemon Jefferson et Mississippi John Hurt. Edwards travaille aussi dans une scierie et se consacre à la musique dès qu’il a un peu de temps libre. Mais ça ne lui suffit pas, et à partir de 1937 il va beaucoup se déplacer, d’abord dans le New Jersey où il reste environ deux ans, puis à Columbus dans l’Ohio. Après avoir notamment servi durant la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique à Okinawa suite à l’attaque de Pearl Harbor, il se fixe finalement à Washington où il ouvre un salon de coiffure en 1959. L’endroit est fréquenté par Mississippi John Hurt, les deux hommes décident de s’associer tout en jouant également avec Skip James. Après la mort de John Hurt en 1966, Edwards écrira en son hommage une de ses plus célèbres chansons, The Road Is Rough and Rocky.
Après un long deuil car il était très lié à John Hurt, il se produit de plus en plus régulièrement, avec des artistes comme John Jackson, John Cephas, Phil Wiggins et Flora Molton. Cette femme-orchestre de rues, que nous avions évoquée le 31 mai dans un article et une émission, le convaincra d’ailleurs de reprendre la musique. Après quelques faces en 1977, il enregistre en 1980 un album pour le label allemand L+R, « Original Field Recordings – Archie Edwards – Washington D.C. – The Road Is Rough And Rocky – Living Country Blues Vol. 6 », qui sortira en 1982. D’ailleurs, la même année, il participe avec les mêmes Allemands à la tournée de l’American Folk Blues Festival. Il enregistrera des faces en 1986 qui sortiront sur un album posthume en 2001, « The Toronto Sessions » (Northernblues), et un autre album en 1989, « Blues ‘N Bones » (Mapleshade). Archie Edwards continuera ensuite de tourner mais sans rien enregistrer d’autre, avant donc de mourir à 79 ans. Sa musique est caractéristique du blues de la Côte Est, avec un beau jeu de guitare bien fluide et une voix claire et naturellement puissante. Vous pouvez l’écouter dans mon émission avec sa version de 1980 de son fameux The Road Is Rough and Rocky.
Les Cash Box Kings viennent de sortir chez Alligator un nouvel album intitulé « Hail to the Kings! »et c’est ma nouveauté de la semaine. J’ai vraiment adoré ce disque, et pour l’ensemble de leur œuvre, dont le haut niveau est uniforme, je leur ai attribué la meilleure note, soit 5 étoiles ou « Le pied », dans le numéro de 235 de Soul Bag qui vient de paraître. D’ailleurs, en guise d’article, je vous propose simplement le texte de ma chronique dans cette revue… Pour mon émission j’ai choisi un blues lent issu du CD, Poison in My Whiskey.
Chronique de l’album des Cash Box Kings parue dans le numéro 235 de Soul Bag
© : Daniel Léon / Soul Bag
Les Cash Box Kings sont épatants. Ils forment assurément un des meilleurs groupes de Chicago de ces 15 dernières années. Mais étrangement, ils souffrent d’un (très) relatif manque de reconnaissance, qu’ils doivent peut-être paradoxalement à leur groupe dense au sein duquel personne ne se détache vraiment. Pourtant, pour ne citer que l’ossature, Joe Nosek (voc, hca), Oscar Wilson (voc), Billy Flynn (g) et Kenny Smith (dm) sont des artistes extrêmement brillants. Dès lors, disons que l’union fait la force, et après dix disques en une quinzaine d’années, ils ne faiblissent pas, bien au contraire. Ils assènent toujours ces morceaux typés genuine houserockin’ musicsi chers au boss d’Alligator, comme Ain’t no fun (When the rabbit got the gun), Back off, Hunchin’ on my baby et The wrong number. C’est plein d’énergie saine (The wine talkin’ avec Shemekia Copeland en invitée), ou de groove irrésistible (I’m the man downstairs entre Jimmy Reed et Swamp blues, Joe, You Ain’t From Chicago à la Bo Diddley). Mais leur maîtrise sur les blues lents est également édifiante, Smoked jowl blues, Poison in my whiskey et sa guitare irréelle, Sugar daddy… Et puis, et peut-être surtout, il faut absolument s’attarder sur les textes. À double sens mais aussi au premier degré, l’humour est présent sur plus de la moitié des plages, aux côtés de choses plus sérieuses, comme Bluesman next door, une mise au point sur les origines du blues sur fond de racisme, ou même graves sur John Burge blues qui évoque un flic véreux du South Side qui pratiqua la torture sur des dizaines de suspects, souvent des Noirs et des Hispaniques, dans les années 1970 et 1980… Les Cash Box Kings ont plusieurs fois flirté avec « Le Pied » dans ces colonnes. Pour l’ensemble de leur œuvre, il est temps de leur accorder.
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