Vous avez sans doute appris la disparition de Lamont Dozier, qui nous a quittés ce 8 août 2022 à l’âge de quatre-vingt-un ans. Membre du très fameux trio de compositeurs et producteurs Holland-Dozier-Holland avec les frères Eddie (Edward) et Brian Holland, il fut également chanteur, pianiste et arrangeur, et mena aussi une carrière honorable sous son propre nom. Il naît Lamont Herbert Dozier le 16 juin 1941 à Détroit, Michigan, dans une famille de cinq enfants, sa mère est cuisinière et femme de ménage alors que son père est employé dans une station-service. À seulement cinq ans, il voit Count Basie, Nat King Cole et Ella Fitzgerald, et durant son adolescence, il forme au lycée un groupe de doo-wop, les Romeos, pour lequel il écrit des chansons.
En 1957, les Romeos enregistrent un single pour Fox contenant Fine fine baby et Moments to remember. Alors âgé de seize ans, Dozier décide de se consacrer plus sérieusement à la musique et quitte l’école. Il apparaît ensuite au sein des Voice Masters, avec lesquels il grave en 1960 un autre single sous le nom de Lamont Anthony (Let’s Talk it over et Benny the skinny man) pour Anna, le label d’Anna et Gwen Gordy, sœurs de Berry Gordy. Les choses vont alors se précipiter, d’abord avec la rencontre des frères Holland, la sortie en 1962 d’un premier single sous son nom chez Mel-o-dy (Dearest one et Fortune teller tell me), et l’engagement par Gordy qui a fondé le label Tamla en 1958, qui deviendra vite Tamla-Motown ou simplement Motown.
L’histoire nous est ensuite familière. De 1963 à 1967, le trio Holland-Dozier-Holland va composer un nombre impressionnant de tubes, dont Frédéric Adrian dans un article publié sur le site de Soul Bag dresse une liste édifiante (mais pourtant pas exhaustive !) : « Heat wave de Martha & the Vandellas dès 1963, (…) Where did our love go par les Supremes… Jusqu’en 1967, les chefs-d’œuvre s’enchaînent : Mickey’s monkey pour les Miracles, Can I get a witness et How sweet it is (To be loved by you) pour Marvin Gaye, Baby I need your loving, I can’t help myself (Sugar pie, honey bunch), It’s the same old song, Reach put I’ll be there, Standing in the shadows of love et Bernadette pour les Four Tops, Baby love, Come see about me, Stop in the name of love, My world is empty without you, You can’t hurry love et You keep me hangin’ on pour les Supremes, Nowhere to run et Jimmy Mack pour Martha & the Vandellas, This old heart of mine (Is weak for you) pour les Isley Brothers, (I’m a) Road runner pour Junior Walker… » Tous ces titres atteindront bien entendu les sommets des charts.
En 1967, Dozier et les Holland quittent Motown qui les poursuit en justice, le trio n’étant pas en reste car ils réclameront de leur côté jusqu’à dix millions d’euros… Ils continuent bien sûr de composer, même s’ils doivent utiliser un pseudonyme, et créent les labels Invictus et Hot Wax. Le trio connaît encore des succès, notamment avec les Chairmen of the Board en 1970, et réalise également en 1972 le premier album d’Harrison Kennedy (« Hypnotic Music », Invictus), membre des Chairmen et aujourd’hui bluesman parmi les plus captivants de notre époque (article sur cet artiste à venir dans le prochain numéro de Soul Bag). À peu près à la même époque, Lamont Dozier mène une carrière solo et sort une dizaine d’albums (dernier album en 2018), tout en continuant de travailler avec les frères Holland, y compris avec des artistes pop-rock dont Phil Collins et Eric Clapton. Lamont Dozier aura directement contribué au son Motown alors que la marque était à son apogée, et avec les Holland, il a sa place parmi les artistes majeurs des musiques populaires américaines du siècle dernier. Bien entendu, je vous recommande pour compléter cet hommage la lecture de l’article de Frédéric Adrian pour Soul Bag.
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