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Au programme de mon émission sur YouTube, Charlie Musselwhite (rubrique « Un blues, un jour »), et Jay McShann et Walter Brown (rubrique « Réédition de la semaine »).

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© : Discogs

Charlie Musselwhite fête ses 75 ans aujourd’hui et sa carrière s’étend désormais sur plus de cinq décennies. On le connaît avant tout en tant qu’harmoniciste, et il est assurément l’un des meilleurs bluesmen à l’instrument de ces 50 dernières années, mais il est également excellent au chant et à la guitare, ce que l’on sait sans doute moins… Charles Douglas « Charlie » Musselwhite est donc né le 31 janvier 1944 à Kosciusko, non loin du Delta et 130 kilomètres au nord-est de Jackson, la capitale du Mississippi. Ses parents étaient musiciens : son père jouait de la guitare et de l’harmonica, sa mère du piano. Il n’a toutefois pas eu le temps de connaître Kosciusko car sar famille est partie vivre à Memphis en 1947… Là-bas, il apprend l’harmonica et la guitare, des instruments qu’il semble maîtriser dès l’âge de 13 ans. Dans les années 1950, Memphis est en pleine ébullition musicale avec l’émergence du rock ‘n’ roll et l’affirmation progressive de la soul music. Mais le blues a vite sa préférence, il l’aurait découvert après la lecture du livre The Country Blues de Sam Charters.

Dès lors, dans un premier temps, il côtoie davantage des représentants expérimentés du blues rural local dont Furry Lewis, Memphis Willie B., Gus Cannon. Mais son véritable mentor sera Will Shade (1898-1966), le leader du fameux Memphis Jug Band : lors d’une interview en 1999, il s’arrêtera longtemps et avec le plus profond respect sur cette expérience avec Shade, m’expliquant qu’il lui avait tout appris, notamment quand il le prenait sous son aile pour aller jouer dans les rues… S’il continue d’aller à l’école, Musselwhite comprend toutefois qu’en termes de blues, de nouvelles pages sont en train de s’écrire du côté de Chicago, où il décide de partir en novembre 1962. Engagé comme chauffeur et vivant sur les hauteurs de la ville, il doit très vite apprendre à connaître la Windy City et ses déplacements le mènent ainsi dans le South Side, où il entend parler d’un certain Elmore James. Il ira le voir en concert, et pour le jeune homme de 18 ans, ce sera une grande émotion…

Charlie Musselwhite @ Bluesfest 2014

© : Nathan David Kelly / charliemusselwhite.com

Mesurant l’importance de la scène, il décide en 1964 de s’installer dans un South Side alors bien peu fréquenté par des Blancs… Vers la même époque, il fréquente le Jazz Record Mart de Bob Koester et Big Joe Williams, dont il devient rapidement l’harmoniciste. Plus tard, Williams n’hésitera pas à dire que Musselwhite était l’égal des plus grands harmonicistes du blues traditionnel. Dans le South Side, Musselwhite n’a pas de mal à entretenir les meilleures relations avec les grands bluesmen d’alors : outre Williams, parmi ceux qu’il cite régulièrement en précisant qu’ils lui ont énormément appris, les noms de Muddy Waters, Otis Spann, Big Walter Horton, Magic Sam, Homesick James, Little Walter et Robert Nighthawk reviennent le plus souvent. Cette « double école » de Memphis et Chicago tient une place fondamentale dans l’histoire de Musselwhite : fort de cet incomparable acquis, il se forgera un style personnel, ancré dans la tradition mais d’une grande richesse, auquel il restera fidèle durant toute sa carrière. Artistiquement, cela se traduit par un jeu d’harmonica économique mais très expressif, qu’il combine parfaitement à son chant chaleureux et toujours bien placé. Et quand il prend sa guitare, il nous plonge dans le blues sudiste le plus profond, typique de la région de Clarksdale où il finira par acheter une maison dans les années 1990.

Charlie Musselwhite bénéficie aussi d’un petit coup de pouce du destin. Il se fait en effet connaître au moment du développement d’un blues blanc américain incarné par des chefs de file comme le Canned Heat en Californie et surtout un autre harmoniciste actif à Chicago, Paul Butterfield. Sa réputation dans les clubs du South Side lui vaut ainsi d’être remarqué par Sam Charters (oui, l’auteur du livre grâce auquel il vint au blues !), qui lui permet d’enregistrer en 1966 son premier album chez Vanguard, « Stand Back! Here Comes Charley Musselwhite’s South Side Band ». Le prénom de Musselwhite est mal orthographié et l’accompagnement des plus hétéroclites avec par exemple des bluesmen noirs aguerris dont Fred Below à la batterie d’un côté, ou des jeunes musiciens blancs proches du rock comme Harvey Mandel à la guitare d’un autre côté, mais le disque est de qualité et le succès au rendez-vous. Peu après, Musselwhite part vivre à San Francisco en Californie. Avec le recul, cela peut surprendre car il semblait très attaché à Chicago. Mais il faut rappeler le contexte de l’époque. Dans cette deuxième moitié des années 1960, la scène musicale californienne explose, et le blues connaît un écho sans précédent dans la région alors qu’il perd en popularité dans ses habituels « bastions ». Ainsi, aux côtés d’artistes comme Paul Butterfield et Mike Bloomfield qui font le même choix, Musselwhite va devenir une source d’influence majeure pour des générations de bluesmen de la Côte Ouest !

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© : Discogs

À partir de cette époque, Charlie Musselwhite va enregistrer un grand nombre d’albums (une trentaine à ce jour dont une demi-douzaine de compilations), sur lesquels il s’en tient donc essentiellement à ce blues toujours empreint de la tradition appris auprès de ses aînés. Mais sa musique, décennie après décennie, a évolué sans prendre une ride car il a su la moderniser avec cette mesure qui le caractérise, ce qui est la marque des grands. Avec une discographie aussi pléthorique, bien difficile d’établir une sélection objective, sachant que cet artiste déçoit rarement, et que pour ma part je n’ai pas écouté tous ses disques, surtout ses plus anciens… La liste d’albums qui suit est donc purement indicative (il faut y ajouter son premier cité plus haut) et forcément incomplète : « Takin’ My Time » (Arhoolie, 1971), « The Harmonica According to Charlie Musselwhite » (Kicking Mule, 1978), « In My Time… » (Alligator, 1993), « One Night in America » (Telarc, 2002), « Sanctuary » (Real World, 2004), « Delta Hardware » (Real World, 2006), « Rough Dried – Live at the Triple Door » (Henrietta, 2008), « The Well » (Alligator, 2010), « Juke Joint Chapel » (Henrietta, 2012), « Get Up! » (avec Ben Harper, Stax, 2013) et « No Mercy in this Land » (avec Ben Harper, Anti-, 2018). Pour mon émission, j’ai choisi un titre enregistré en 2011 au festival Accadia Blues, un boogie intituléRiver Hip Mama.

 

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Venons à la réédition de la semaine. Avec l’âge, les Rolling Stones semblent de plus en plus souhaiter rendre hommage aux bluesmen qui les ont tant inspirés. Environ deux ans après leur album « Blue And Lonesome » (Rolling Stones Records / Polydor), ils s’impliquent d’une autre manière avec ce double CD intitulé « Confessin’ the Blues » sorti chez BMG. Ils ont choisi les 42 titres de cette réédition avec la maison de disques, pour une sélection qui porte principalement sur des enregistrements des années 1950 et 1960, avec Muddy Waters, Little Walter, Howlin’ Wolf, Elmore James, John Lee Hooker, Slim Harpo, Jimmy Reed, Robert Wilkins, Fred McDowell, Magic Sam, Buddy Guy, Otis Rush… Des artistes plus proches du rock ‘n’ roll s’ajoutent (Chuck Berry, Bo Diddley, Dale Hawkins), et les origines de leur inspiration s’étendent à Big Maceo, Amos Milburn, Robert Johnson, Big Bill Broonzy, Jay McShann… comme s’ils ne voulaient oublier personne !

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D’aucuns relèveront que cela ne sert pas à grand-chose de publier des titres facilement disponibles par ailleurs sur de multiples supports. C’est assurément vrai mais il faut dépasser ce raisonnement. Dans un premier temps, c’est un beau panorama, étendu et intelligent si on veut s’introduire au blues, avec de la musique et des chansons sublimes. Ensuite, les notes du livret par Colin Larkin sont précises et elles s’arrêtent sur chaque artiste, alors que bien des compilations proposent des informations bien chiches en la matière. Enfin, et peut-être surtout, 10 % des recettes nettes des ventes seront reversées à la Blues Heaven Foundation de Willie Dixon. Ça fait quand même quelques bonnes raisons d’acheter ce disque, et si les spécialistes n’apprendront pas grand-chose, c’est encore une fois un bon moyen de découvrir cette musique et de comprendre pourquoi des groupes comme les Stones doivent beaucoup à ces grands artistes. J’ai choisi pour mon émission le morceau qui donne son titre à la compilation et il se trouve que ce n’est pas le plus connu : Confessin’ the Blues date de 1941 et on le doit au chanteur Walter Brown et au pianiste et chef d’orchestre Jay McShann.

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