Réédition semaine copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Earl King (rubrique « Un blues, un jour »), et Irene Wiley et Otis Hinton (rubrique « Réédition de la semaine »).

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Le blues a plusieurs rois, j’entends ceux qui répondent au patronyme de « King », que ce soit leur véritable nom ou bien qu’ils l’utilisent comme pseudonyme. L’artiste que je souhaite mettre aujourd’hui en avant, qui a vu le jour le 7 février 1934, n’est probablement pas le King le plus célèbre du blues mais il mérite toute notre attention. Il s’agit en effet du chanteur, guitariste et compositeur Earl King, qui fut une figure de la musique louisianaise qu’il marqua pendant plus de quatre décennies, en premier lieu dans les domaines du blues et du R&B, tout en étant aussi une des premières influences de Jimi Hendrix, ou encore de Stevie Ray Vaughan ! Originaire de La Nouvelle-Orléans où il est né Earl Silas Johnson IV (ce qui n’a donc rien à voir avec King…). S’il a perdu très jeune son père pianiste, il a débuté en chantant du gospel à l’église avec sa mère, mais il s’est très vite intéressé à la scène blues et surtout aux adeptes de la guitare, instrument roi et en pleine évolution au tournant des années 1940 et 1950. Il rencontre encore adolescent l’un des plus spectaculaires et des plus novateurs de son temps, le grand Guitar Slim, qui inspirera aussi son jeu de scène.

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On s’étonnera donc peu d’apprendre que Earl King réalise ses premiers enregistrements à seulement 19 ans dès 1953 sous le nom de Earl Johnson, pour obtenir deux ans plus tard un premier succès notable, cette fois en tant que Earl King, avec une belle ballade coécrite avec Johnny Vincent, Those Lonely, Lonely Nights, une « déclinaison » de Let the Good Times Roll. On note sur le single original la mention « Featuring Fats on piano », et il s’agit bien entendu de Fats Domino. Quant à Johnny « Guitar » Watson, il ne s’y trompera pas en reprenant la chanson la même année. C’est dire combien Earl King exerça son influence sur la musique louisianaise dès ses débuts… D’ailleurs, il est vite accepté dans ce « grand monde » et côtoie d’autres personnalités dont Dave Bartholomew en 1960, qui lui ouvre de nouveaux horizons (James Booker, Wardell Quezergue…). La période va générer d’autres hits pour King qui s’impose aussi comme compositeur, ainsi avec Trick Bag repris par les Meters, Big Chief par Professor Longhair, sans oublier son fameux Come On, qui fut une des premières chansons jouées par Jimi Hendrix, et que Stevie Ray Vaughan ne dédaignait pas reprendre non plus…

Earl King

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Dans les années 1970, il continue de travailler avec d’autres maîtres dont Allen Toussaint, et la décennie le voit également sortir son premier album en 1977, « New Orleans Rock ‘n’ Roll » (Sonet, 1977, réédité en 2005 sous le titre « The Sonet Blues Story – That Good Old New New Orleans Rock ‘n Roll »), même si je préfère deux de ses disques sortis chez Black Top au début des années 1990, « Sexual Telepathy » (1990) et « Hard River To Cross » (1993). Enfin, deux compilations regroupent ses premières faces, « The Chronological 1953-1955 » (Classics, 2006) et plus récemment « Let the Good Times Roll – Singles As & Bs 1955-1962 » (Jasmine, 2016). En regardant son parcours, même s’il n’a pas enregistré beaucoup d’albums, on s’aperçoit que Earl King aura exercé son influence des fifties aux nineties au sein d’une scène pourtant très prodigue en talents. Malheureusement, souffrant de diabète depuis de nombreuses années, il finira par perdre son combat contre la maladie et mourra en 2003 à l’âge de 69 ans. Contrairement à ce que je dis dans mon émission, la version de l’inoubliable Those Lonely, Lonely Nights n’a pas été enregistrée en public. Suite à un souci technique, j’ai dû la retirer au dernier moment (sans pouvoir réenregistrer ma propre intervention) pour la remplacer avec la version originale de 1955 de la même chanson. Avec mes excuses…

 

La réédition de la semaine est une anthologie absolument passionnante de 4 CD sortie par le label Wienerworld, et qui s’intitule « Down Home Blues: New York, Cincinnati & The North Eastern States: Tough Enough ». Derrière ce nom à rallonge se cache une sélection de 110 morceaux portant sur 37 artistes, sur la période 1945-1962, et concernant pour reprendre le titre du disque les régions de New York, de Cincinnati et des États du nord-est. Même s’il ne s’agit pas de terres « sinistrées » en termes de blues, et même loin de là, ces zones ne sont pas trop traitées par les spécialistes des rééditions, et c’est donc une aubaine d’en disposer. En plus, c’est impeccablement présenté avec un livret bien documenté de 80 pages et un classement chronologique, ce qui reste une excellente option pour aborder ce type de sélection historique. Enfin, contrairement à d’autres rétrospectives qui se contentent d’aligner autant d’artistes que de morceaux, celle-ci porte donc sur 37 artistes pour 110 morceaux, ce qui permet de mieux faire connaissance avec ces bluesmen dont beaucoup sont méconnus et surtout oubliés aujourd’hui…

Sans dresser la liste complète des 37 artistes, voici un échantillon indicatif des présents, certains étant notoires, d’autres bien moins : Big Chief Ellis, Gabriel Brown, Irene Wiley, Sonny Terry, Brownie McGhee, Alonzo Scales, Doug Quattlebaum, Otis Hinton, Jimmy Newsome, Champion Jack Dupree, Bob Gaddy, Guitar Nubbit, Guitar Crusher… Dès lors, face à l’ampleur de l’œuvre, comme je l’avais fait précédemment pour la compilation JSP de 4 CD « Bottleneck Guitar: Selected Sides 1926-2015 » (lire mes articles du 29 novembre et du 6 décembre 2018), je consacrerai deux volets à cette réédition, aujourd’hui et jeudi prochain, avec à chaque fois deux morceaux et non un seul. Pour aujourd’hui, j’ai choisi la chanteuse Irene Wiley (avec le pianiste Ken Billings) pour un blues assez urbain qui date de 1947, Irene’s Boogie Blues, et le chanteur et guitariste Otis Hinton en 1954, qui s’exprime dans un registre bien plus rustique et rural sur Emmaline.

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