Blues in France copie

Au programme de mon émission sur YouTube ,Lightnin’ Slim (rubrique « Un blues, un jour »), et Gérard Herzhaft et Alabama Mike (rubrique « Blues in France »).

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À la fin des années 1950. © : Stefan Wirz

Né le 13 mars 1913, il y a tout juste 106 ans, le bluesman du jour fait partie du cercle restreint des créateurs dans l’histoire de cette musique. Il s’agit en effet de l’incomparable Lightnin’ Slim. Avant d’aller plus loin, il importe de préciser que les sources qui citent Saint-Louis comme ville de naissance pour cet artiste semblent erronées, même s’il arriva à Slim lui-même de dire qu’il venait de la grande ville du Missouri… Selon des éléments plus récents, de son vrai nom Otis Verries Hicks, le bluesman est plutôt originaire de Good Pine en Louisiane, au nord-ouest de Baton Rouge, où il finira d’ailleurs par s’installer. Bien que son père et un de ses frères lui aient probablement enseigné assez tôt les rudiments de l’instrument, Hicks se mettra à la guitare bien plus tard, une fois la trentaine passée, notamment en entendant Lightnin’ Hopkins auquel il empruntera son pseudonyme. Mais il est bel et bien actif lors de soirées et dans les clubs de Baton Rouge dans les années 1940, le plus souvent au sein de la formation alors quasi incontournable de Big Poppa (John Tilley) and his Cane Cutters. Il se produit également seul dans un registre plus terrien et presque fruste mais redoutablement efficace, et qui sera plus tard son sceau.

Sa réputation grandit, et comme il se fait également connaître grâce à une radio locale, il est convié à une séance d’enregistrement début 1954, probablement en mars. Une séance orchestrée par J. D. Miller avec sa marque Feature, qui deviendra célèbre pour son rôle et son influence sur la scène locale, qui s’exprimeront ensuite pleinement avec le fameux label Excello. Miller aurait alors également suggéré à Hicks de se faire appeler Lightnin’ Slim. Seuls deux morceaux seront d’abord commercialisés (ça viendra plus tard pour la dizaine d’autres) mais ils sont formidables. Car sur Rock me mama et surtout Bad luck, qui marquent ses débuts sur disque, tout est déjà en place : voix traînante et enrouée, guitare économique et rythmique déglinguée, climat lourd et lancinant, silences pesants, le tout souligné par un harmonica profond et pénétrant. Ce sont les ingrédients du Swamp Blues, le blues des marais ou des bayous de Louisiane, parmi les plus excitants de cette musique. Lightnin’ Slim en est bien le créateur, et à ce titre un bluesman majeur de son époque. Il réalise ensuite de nombreux autres singles, toujours pour Feature puis brièvement pour Ace en 1955, enfin, inévitablement, pour Excello, et ce jusqu’au milieu des années 1960. Durant cette période d’une grosse dizaine d’années, il construit probablement l’œuvre la plus édifiante du genre.

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© : Georges Braunschweig – GM Press / Montreux Jazz Memories

 

Il s’entoure en outre des meilleurs accompagnateurs bien adaptés à son style, qu’il m’est hélas impossible de citer ici, mais sa longue collaboration avec le génial harmoniciste Lazy Lester est une des plus exemplaires de l’histoire du blues. Puis il connaît une éclipse et part travailler en usine à Détroit. Redécouvert en 1972, il participe à des festivals et des tournées, y compris en Europe. On pense qu’il va reprendre sa brillante carrière, mais un cancer l’emporte le 27 juillet 1974, à l’âge de 61 ans. Inexplicablement, malgré sa discographie de très haut niveau, il n’existe pas d’intégrale de son œuvre des années 1950 et 1960. On ne saurait toutefois se passer de l’anthologie « I’m a Rolling Stone – Louisiana Swamp Blues – The Singles As & Bs 1954-1962 » (Jasmine, 2015), mais il manque curieusement les dernières années de la période Excello… Concernant sa fin de carrière, le double LP original « Blues Night – Live From Montreux » (Verve, 1972, qu’il partage avec Whispering Smith, Doctor Ross, Bessie Griffin et Jimmy Dawkins) est aujourd’hui une rareté. Heureusement, Gérard Herzhaft (dont il est question juste après, mais c’est une coïncidence…) a eu l’excellente idée sur son blog Blue Eye de proposer une édition numérique sur des titres réalisés par Lightnin’ Slim en Europe (1972 et 1973) : elle s’intitule « Lightnin’ Slim & Whispering Smith – Live in Europe » et s’accompagne comme toujours d’un article bien documenté. J’ai pris pour mon émission un morceau de Lightnin’ Slim avec Lazy Lester, qui date de 1957 et s’appelle Mean Ole Lonesome Train.

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© : Discogs

 

 

Il est inutile de présenter la personne qui fait l’objet de la rubrique « Blues in France » du jour. Il s’agit en effet de Gérard Herzhaft, dont chacun sait qu’il fait partie des spécialistes les plus respectés du monde du blues. Et si vous souhaitez en savoir plus sur sa désormais longue carrière, je vous invite à consulter les sources le concernant car elles ne manquent pas : ses pages Facebook « Gerard Hz » et « Gerard Herzhaft Ecrivain », son site Internet qui décrit plus particulièrement ses publications, enfin son fameux et excellent blog « Blue Eye », une impressionnante somme d’informations que Gérard continue d’alimenter et de tenir à jour.

On lui doit bien sûr de nombreux ouvrages, mais si je l’évoque aujourd’hui, c’est bien parce qu’il vient d’en ajouter un nouveau à sa collection. Il s’intitule Blues en disques et propose une sélection de chroniques réalisées entre 1988 et 2010 dans la presse écrite spécialisée. Gérard a commencé à chroniquer des disques dès 1973, mais son livre porte sur des CD, plus faciles à trouver que les vinyles plus anciens… Il insiste particulièrement sur sa collaboration avec Jacques Périn et Soul Bag, et, alors que cette revue fête ses 50 ans, j’y vois à la fois un clin d’œil et la démonstration que l’on peut en France partager la passion du blues tout en contribuant à sa préservation et à sa reconnaissance en s’inscrivant dans la durée. Rien que pour cela, il faut mesurer l’importance du rôle de ces acteurs, qui, pour céder à une métaphore chère aux bluesmen, ont pavé la route pour nous.

Pour revenir au livre qui est une auto-édition, Gérard précise qu’il ne s’agit pas d’un guide discographique, mais bien de textes de chroniques rédigés avec la sensibilité de leur auteur dans le contexte de leur époque. En outre, il nous informe que cette sélection représente à peine 20 % des chroniques dont il est l’auteur. Peut-être faut-il donc s’attendre à d’autres volumes… Mais justement, en attendant, j’ai programmé dans mon émission l’artiste qui fait l’objet de la première chronique du livre « Blues en disques » avec son album de 2009 « Day to Day » (Jukehouse), le grand chanteur Alabama Mike, avec un morceau cuivré, souligné de slide et aux paroles pleines d’esprit, Sara Brown.

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© : Discogs