Indiana Avenue, 1953. © : O. James Fox / Indiana Historical Society.

Dans un article du 1er février 2022, j’ai présenté une nouvelle rubrique hebdomadaire qui s’arrête sur des mots et des expressions propres aux textes du blues, dont on ne trouve pas la traduction dans les dictionnaires traditionnels (*). Il s’agit essentiellement d’expliquer le sens de ces termes nés lors de la conception du blues, soit dans les années 1880, en les remettant dans le contexte des compositions des musiques afro-américaines. Aujourd’hui, arrêtons-nous sur Naptown, le surnom donné à Indianapolis par les Afro-Américains. Mais les raisons pour lesquelles la capitale et plus grande ville de l’Indiana fut ainsi surnommée restent encore ourlées d’un certain mystère.

À l’intérieur du Henri’s Cafe Lounge au 408 Indiana Avenue, avec Willis Kirk à la batterie, Monk Montgomery à la basse, Wes Montgomery à la guitare et Buddy Montgomery au piano. © : IndyStar / Indiana Historical Society.

Le mot nap, quatrième syllabe d’Indianapolis, signifie notamment « sieste », et le terme naptown pourrait ainsi désigner une ville endormie, ennuyeuse… Pourtant, les Afro-Américains y développèrent très tôt une scène culturelle, musicale et économique, dès les années 1860, en particulier dans le quartier autour d’Indiana Avenue (aujourd’hui au centre-ville), un peu à l’instar de Beale Street à Memphis ou de Farish Street à Jackson. En 2009, le Rev. C. Nickerson Bolden a publié chez Parlux Indiana Avenue – Black Entertainment Boulevard, un témoignage sur l’histoire de cette communauté. Mais le surnom pourrait simplement venir du fait que le nom de la ville, Indianapolis, trop long à prononcer avec ses six syllabes, ait dès lors été contracté en Naptown !

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Quoi qu’il en soit, il semble s’être répandu plus tard, lors d’enregistrements de jazz dans les années 1920. Cette musique était alors très présente dans le quartier d’Indiana Avenue, et son essor perdurera jusque dans les années 1960 avec ce que nous appelons aujourd’hui encore le Naptown Sound. Les jazzmen les plus notoires de cette « école » sont Freddie Hubbard, Noble Sissle ou encore Wes Montgomery. En août 2021, Jill Weiss Simins, historienne au Indiana Historical Bureau, a rédigé un article très bien documenté dans l’Indianapolis Monthly, dont je vous conseille vivement la lecture. Mais le blues a aussi occupé la scène de Naptown. Ainsi, Leroy Carr et Scrapper Blackwell, qui ont passé la plus grande partie de leur existence à Indianapolis (où ils se sont d’ailleurs éteints), ont enregistré le 17 juin 1929 Naptown blues, à écouter à cette adresse.
(*) Rubrique réalisée avec entre autres sources les archives de la Bibliothèque du Congrès à Washington et les livres Talkin’ that talk – Le langage du blues et du jazz de Jean-Paul Levet (Outre Mesure, 2010), Barrelhouse Words – A Blues Dialect Dictionary de Stephen Calt (University of Illinois Press, 2009) et The Language of the Blues: From Alcorub to Zuzu de Debra Devi (True Nature Records and Books, 2012).