© : Club Soroptimist de Marie-Galante.

Ce site est certes dédié aux musiques afro-américaines, mais aussi à celles et ceux qui font l’histoire, la culture et les traditions ancestrales liées auxdites musiques, ce qui nous conduit régulièrement à évoquer des sujets comme l’esclavage, le racisme, la ségrégation et la lutte pour les droits civiques. Il est toutefois rare que des spécialistes de cette culture s’invitent à Marie-Galante. Grâce au club Soroptimist de Marie-Galante, ce vide sera comblé demain mardi 11 avril. En effet, à partir de 18 heures à l’Office municipal de la culture et des sports (OMCS) de Capesterre, Serge Molla, pasteur et théologien protestant, animera une conférence intitulée « Martin Luther King – Et des stimulantes africaines-américaines ». On doit notamment à cet auteur chez Labor et Fides les ouvrages Les idées noires de Martin Luther King (2008), Martin Luther King, prophète (2018), ainsi que la traduction du livre de Henry Louis Gates Jr.(1) Black Church – De l’esclavage à Black Lives Matter (2023, avec Mahalia Jacskon en couverture !).

Harriet Tubman (à l’extrême gauche) avec sa famille et des voisins, chez elle à Auburn, New York, vers 1887. © : William H. Cheney, Bettman/Corbis / The New York Times / Les Temps du Blues.

Concernant la conférence proprement dite de ce 11 avril, Serge Molla s’arrêtera plus particulièrement sur des femmes, dont certaines marquèrent l’histoire comme abolitionnistes dès le XIXe siècle, puis pour leur rôle dans la lutte pour les droits civiques durant les années 1950 et 1960. Parmi ces grandes figures, Harriet Tubman (deuxième en partant du haut sur l’affiche jointe de la conférence) est peut-être la plus emblématique de toutes : née elle-même esclave vers mars 1822, celle que l’on appellera Black Moses (Moïse noire) sera dans les années 1850 une des principales protagonistes de l’Underground Railroad, un réseau clandestin qui permettait aux esclaves afro-américains de fuir les États du Sud pour gagner ceux du Nord et le Canada, où l’esclavage n’avait pas cours. Le 10 mai 2022, nous avions d’ailleurs choisi Harriet Tubman pour ouvrir l’article numéro 500 de ce site, « De l’esclavage au blues ». La conférence qui se tiendra demain à l’OMCS de Marie-Galante est donc bien un événement pour notre île, et saluons l’initiative du club Soroptimist et de sa présidente Catherine Sildillia. Renseignements au 06 90 37 20 09.

Rosa Parks le 22 janvier 1988. © : Angel Franco / National Park Service.

Mais un article sur ce site se termine rarement sans musique, et voici maintenant une sélection de chansons en rapport avec le thème de cette conférence.
Go down Moses en 1914 par les Tuskegee Institute Singers. À l’époque de l’Underground Railroad, les passeurs et les esclaves en fuite utilisaient des codes, bien souvent des adaptations de spirituals. Harriet Tubman chantait souvent Go down Moses
Steal away (Steal away to Jesus) par Mahalia Jackson et Nat King Cole en 1957. Relecture d’un ancien spiritual également utilisé lors de l’Underground Railroad, composé par Wallace Willis, un esclave, probablement à la fin des années 1850. Cette version par Mahalia et Nat King Cole est vocalement irréelle…

Reproduction de la couverture de la revue Texas Folklore Society, numéro 7, Austin, 1928. © : University of North Texas.

Follow the drinkin’ gourd par Eric Bibb en 2013. Troisième spiritual chanté lors de l’Underground Railroad, d’abord connu sous le titre Foller de drinkin’ gou’d. « Drinkin’ gourd » est alors un code pour « Big Dipper », la Grande Ourse (Follow the drinkin’ gourd = Suivez la Grande Ourse).
Sister Rosa par les Neville Brothers en 2004. Nul n’a oublié Rosa Parks (1913-2005), qui refusa le 1er décembre 1955 de céder sa place à un passager blanc dans un bus à Montgomery, Alabama. Soutenue par Martin Luther King qui sera à l’origine du fameux boycott de la compagnie de bus de Montgomery (qui durera plus d’un an !), elle deviendra un symbole de la lutte pour les droits civiques. Les Neville Brothers lui ont consacré cette chanson aux accents très… funky !
Blues for Martin Luther King et Hotel Lorraine par Otis Spann. Le 4 février 1968, Martin Luther King est lâchement assassiné à l’hôtel Lorraine (ou Lorraine Motel, aujourd’hui musée national des Droits civiques) à Memphis. Dès le lendemain, sur le parvis d’une église sur la 43e rue à Chicago, le chanteur et pianiste de blues improvise un concert avec une interprétation poignante de ces deux compositions aujourd’hui mythiques. La première sortira peu après chez Cry, et la seconde chez Roots sur la compilation « Rare Gems » en 1977 (à titre posthume, Otis étant décédé en 1970).
(1). À lire absolument du même auteur, The Signifying Monkey: A Theory of Afro-American Literary Criticism (Oxford University Press, 1988).

Otis Spann. © : Flypaper.