© : Getty / Christian Ducasse / Gamma-Rapho / Radio France.

Je voulais absolument rendre hommage ici au pianiste Ahmad Jamal, décédé ce 16 avril 2023 à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Je sais, Ahmad Jamal, ce n’est pas du blues, mais du jazz. Quoique. Bref, quand nous sommes aux pieds d’un artiste de cette stature, les styles se diluent, s’effacent. Ahmad Jamal, au jeu de piano à la fois si reconnaissable et si inimitable, que Miles Davis citera comme une influence majeure, restera comme un interprète essentiel de la musique contemporaine. Si j’ai bien sûr écouté ses disques, je n’ai pas vu Ahmad Jamal si souvent sur scène, deux fois en tout et pour tout, alors qu’il était déjà octogénaire. Mais ces deux concerts m’ont marqué comme rarement tant ce pianiste était fascinant. Par sa musique, qu’il fit évoluer tout au long de sa carrière, il détenait la recette de l’éternelle jeunesse et avait toujours un temps d’avance. Largement basée sur la déconstruction et sur une impensable gestion des silences, au point que ses notes semblaient suspendues, presque à l’arrêt pour mieux nous exploser en plein visage, sa musique tenait de la thaumaturgie.

En 1959. © : CBS Photo Archive / Getty Images / Télérama.

Il voit le jour sous le nom de Frederick Russell Jones le 2 juillet 1930 à Pittsburgh, Pennsylvanie, où il apprend le piano dès l’âge de trois ans. À sept ans, il s’initie au piano classique avec Mary Cardwell Dawson (1894-1962), fondatrice en 1941 de la National Negro Opera Company, première compagnie afro-américaine du genre. Parallèlement, il élargit sa formation auprès du pianiste de gospel James Miller (1916-1994), et commence à se produire professionnellement en 1944, à quatorze ans, ce qui lui vaut d’être remarqué par le pianiste de jazz Art Tatum (1909-1956), qui voit en lui un futur grand. Il trouve alors sa voie dans le jazz, tourne avec l’orchestre de George Hudson, les Four Strings, Von Freeman et Claude McLin, tout en s’installant à Chicago en 1950. La même année, Jones se convertit à l’islam et prend le nom d’Ahmad Jamal.

En 2011. © : Wikimedia Commons.

En 1951, il grave ses premières faces, puis il se distingue au sein de trios avec simplement un (contre)bassiste et un batteur, une formule qu’il privilégiera tout au long de sa carrière… même s’il n’aimait pas le terme « trio » ! Suite à cela, il enregistrera jusqu’en 2019 plus de soixante-dix albums ! Ahmad Jamal obtiendra de nombreuses récompenses, dont le National Endowment for the Arts en 1994 (plus haute distinction dans le domaine des arts et des traditions populaires aux États-Unis), l’entrée en 2007 à l’Ordre des Arts et des Lettres en France, et en 2017 un Grammy Lifetime Achievement Award pour l’ensemble de sa carrière par la Recording Academy (les Grammy Awards). Au sein de sa discographie pléthorique, que je ne connais pas assez pour vous livrer une étude pertinente, je m’arrêterai sur un seul album, « Ahmad’s Blues » (enregistré en public en 1958), eh bien oui, forcément, me direz-vous… Mais la présence du mot « blues » dans le titre relève plutôt du hasard. Ce disque est juste génial car il incarne à la perfection le musique d’Ahmad Jamal, parfaitement soutenu par le bassiste Israel Crosby et le batteur Vernel Fournier.

En 2016 au festival de jazz de Marciac. © : Rémy Gabalda / AFP / 20 Minutes.

Voici maintenant quelques pièces en écoute.
Ahmad’s blues en 1958.
Should I? en 1958.
Autumn leaves en 1958.
Poinciana en 2012.
Jazz à Vienne 2017, extrait d’un concert auquel j’ai eu l’immense chance d’assister…