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Au programme de mon émission sur YouTube, Junior Kimbrough (rubrique « Un blues, un jour ») et Junior Wells (rubrique « Nouveauté de la semaine »).

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© : Discogs

Avant de commencer, une précision s’impose : l’album de Junior Kimbrough que je cite dans mon émission, « Do the Rump! », est bien sorti en 1997 mais les enregistrements ont été réalisés en 1982 et 1988. You Better Run, le titre au programme, date d’ailleurs de 1988. Si je m’arrête sur ce bluesman, c’est parce qu’il nous a quittés le 17 janvier 1998, il y a tout juste 21 ans aujourd’hui. Il est né David « Junior » Kimbrough le 28 juillet 1930 près de Hudsonville, mais il passera une bonne partie de son existence à Holly Springs, dans cette région des collines du nord du Mississippi (non loin de Memphis), où se développe le courant du Hill Country Blues. Il s’imposera en chef de file essentiel de cette musique lancinante, hypnotique, très rythmée et de structure finalement assez simple (pas de longs solos et même souvent pas de solos du tout !), mais quand elle est poussée à son paroxysme elle devient très excitante et se rapproche de la transe.

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Le juke joint © : Fly Away.

Fils et frère de guitariste, il apprend très jeune la guitare, sans doute vers l’âge de 8 ans. Si Lightnin’ Hopkins et Mississippi Fred McDowell sont systématiquement cités comme ses premières influences, il va s’en démarquer notablement à partir des années 1950, même s’il n’existe aucune trace discographique de son registre de l’époque. Mais peu à peu, avec l’emploi de tempos médiums, d’un jeu de guitare très syncopé et d’une voix quasi incantatoire, en se basant sur les rythmes d’Afrique de l’Ouest, il va mettre en place sa musique toute personnelle et jeter les bases de ce que nous appelons donc le Hill Country Blues. En 1966, il grave à Memphis quelques superbes faces qui démontrent que son style est déjà bien en place, mais il faudra attendre 2009 pour que le label Big Legal Mess les rassemble sur l’album « First Recordings ». Mais peu soucieux de réellement vivre de sa musique car il cherche avant tout à se distraire ainsi que ses proches, Kimbrough n’enregistre que très sporadiquement.

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Junior Kimbrough assis devant R. L. Burnside (avec la casquette). © : Kickstarter.

Il finit toutefois par attirer l’attention, d’autant qu’il se produit davantage avec son groupe The Soul Blues Boys qui comprend au début des années 1980 un extraordinaire batteur, Calvin Jackson (qui est le père de Cedric Burnside). Cela n’échappe pas à David Evans qui les fait enregistrer en 1982 le single Keep Your Hands Off Her / I Feel Good, Little Girl, puis 11 nouvelles faces en 1988 (avec toutefois d’autres accompagnateurs), qui seront donc éditées sur l’album « Do the Rump! » cité plus haut. Peu après, en 1990, Kimbrough est filmé pour le documentaire Deep Blues: A Musical Pilgrimage to the Crossroads de Robert Mugge, qui sortira deux ans plus tard. En 1992, il crée dans une ancienne église près de Holly Springs un juke joint qui deviendra célèbre, Junior’s Place, où il signe dans la foulée son premier album, le génial « All Night Long » (Fat Possum). Sans atteindre le niveau exceptionnel de ce premier opus, « Sad Days, Lonely Nights » (Fat Possum, 1993) et surtout « Most Things Haven’t Worked Out » (Fat Possum, 1997) restent des exemples archétypaux du Hill Country Blues. Avec R. L. Burnside, Junior Kimbrough fut assurément le représentant le plus marquant et le plus influent de ce genre de blues. Et de nos jours, les familles Kimbrough et Burnside, avec les descendants de leurs illustres géniteurs, continuent de perpétuer cette tradition singulière…

 

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Entrer une légende

Pour ma réédition de la semaine, je reviens dans un deuxième volet sur le coffret « Box of Blues » consacré à Junior Wells par le label Cleopatra, qui contient donc six CD (pour plus de détails, lire mon article du 10 janvier 2019). Après une évocation jeudi dernier des trois CD en studio sur les années 1953-1975 (avec toutefois quelques titres en live), je viens aux trois CD entièrement en public sur les années 1980 et 1990. Bien qu’il s’agisse de titres inédits, mes commentaires initiaux valent ici aussi : morceaux non classés dans l’ordre chronologique, manque d’information sur les personnels et les lieux, avec en plus ici une qualité sonore inégale. Le premier des trois CD, assez funky avec des titres de 1997 à Osaka au Japon, n’est pas très bien enregistré, la voix de Wells étant souvent noyée. Le deuxième, issu de concerts en 1983 à Philadelphie et en 1987 aux Pays-Bas, est le plus intéressant du lot avec en plus Buddy Guy pour les séances aux Pays-Bas, malgré quelques longueurs. Le troisième, réalisé en 1994 et 1995 aux États-Unis, est dans une veine assez funky comme Osaka mais un peu mieux enregistré : rien d’inoubliable toutefois malgré une émouvante version de 12 minutes de Help Me. En fait, une sélection de ces titres live aurait pu tenir sur un seul CD… Bref, au bilan, je pense que cet immense bluesman méritait mieux. Pour illustrer ça dans mon émission, j’ai pris un titre réalisé en 1987 aux Pays-Bas, avec Buddy Guy, pour un de ses grands classiques, l’impérissable Messin’ With the Kid.

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