Une fille de Raoul Grivalliers, Sainte-Marie, Martinique.

Depuis hier et jusqu’à vendredi 27 mai 2022, date de commémoration de la seconde abolition de l’esclavage en Guadeloupe le 27 mai 1848, je consacre une série de quatre épisodes aux enregistrements de terrain menés par l’ethnomusicologue Alan Lomax en 1962 dans les Antilles françaises : Guadeloupe, Saint-Barthélemy et Martinique. Je vous rappelle également que l’épisode 4 du 27 mai sera beaucoup plus étoffé, avec plus d’images, plus d’extraits musicaux mais aussi des interviews. Et dès ce deuxième épisode, compte tenu de la richesse des archives de Lomax, j’ai décidé de mettre non pas deux mais trois chansons en écoute. La première nous conduit en Martinique à Sainte-Marie (17 juin 1962), la deuxième à Saint-Barthélemy à Gustavia (7 juillet 1962), et la troisième en Guadeloupe à Capesterre-Belle-Eau (15 juillet 1962).

De gauche à droite : Raoul Grivalliers (Ti Raoul), Florent Baratini (tanbou bélè), musicien non identifié (tibwa).

La première chanson s’appelle Léonar-O Plan-O, et nous sommes face à un groupe de bélè, style caractéristique de la Martinique. Du point de vue du chant, on retrouve comme en Guadeloupe le principe du call-and-response, avec les phrases d’un chanteur reprises par les autres. En revanche, l’instrumentation diffère grandement avec l’emploi d’un tambour spécifique (tanbou bélè), au son plus « sec » que le gwoka guadeloupéen, et des tibwa, deux bâtons (proches de baguettes) avec lesquels on frappe un morceau de gros bambou. Mais au bilan, la musique est toujours aussi excitante, d’autant que le bélè est également une danse, tout finit donc par se mêler joyeusement… Les interprètes, dont l’un n’est pas identifié, sont Raoul Grivalliers et Florent Baratini.

De gauche à droite : George Blanchard (bois sec), Constan Magras (tambourin), Manuel Magras (accordéon) et Louis Gréaux (chac chac).

Nous prenons donc la direction de Gustavia sur l’île de Saint-Barthélemy pour une deuxième chanson intitulée Yvonne Chabine. Il s’agit simplement d’une interprétation par une formation de quadrille, un instrumental qui utilise l’accordéon et les percussions classiques du genre, bois sec, chac chac et tambourin. C’est évidemment une invite à la danse. À noter aussi la belle qualité sonore, qui caractérise d’ailleurs tous les enregistrements de ces campagnes. Les interprètes (blancs ou très peu métissés, sont d’origine bretonne) sont Manuel Madras, Constan Madras, Louis Gréaux, George Blanchard et Alan Lomax lui-même (qui était aussi musicien) !

4 Musiciens guadeloupéens d’origine indienne.

Retour en Guadeloupe pour la troisième chanson, mais cette fois à Capesterre-Belle-Eau, avec Kali ritual singing (II) (part I). Alan Lomax fut le premier à considérer et enregistrer la musique des Guadeloupéens d’origine indienne. Ce beau chant religieux aborde donc un autre pan des traditions musicales locales, très différent de ce que nous avons écouté jusque-là. Avec le chant, les instruments sont les cymbales et le matalon (un tambour indien). Le groupe s’appelle les Madras Drummers et les interprètes, dont l’un n’est pas identifié, sont Édouard Souprayen, Grand Prêtre et Benjamin Govindin.

Photos réalisées en mai, juin et juillet 1962 en Martinique, à Saint-Barthélemy et en Guadeloupe. © : Alan Lomax Digital Archive / Archive Cultural Equity.