Les temps du gospel copie

Au programme de mon émission sur YouTube, Henry « Ragtime » Thomas (rubrique « Un blues, un jour »), et les Roberta Martin Singers (rubrique « Les temps du gospel»).

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Le 27thCentury Limited au depart à Chicago, 1938. © : Wikipedia

Nous allons remonter à une décision de la Cour suprême qui date du 28 avril 1941. Aux États-Unis et plus particulièrement dans le Sud, la ségrégation s’appliquait strictement partout, et le secteur ferroviaire n’y échappait évidemment pas. Il y avait des voitures et des classes différenciées pour les Blancs et pour les Noirs, tout comme les salles d’attente, les toilettes… Cette décision fait suite à un événement survenu quatre ans plus tôt, en 1937. Arthur Wergs Mitchell, qui était alors le seul membre afro-américain du Congrès, a pris le train pour se rendre de Chicago à Hot Springs en Arkansas. Il voyageait en première classe, il avait d’ailleurs payé son billet, mais quand le train entra dans cet État, où la loi interdisait aux Noirs de voyager en première, le contrôleur lui demanda de changer. Mitchell, qui en plus était avocat, refusa et ce fut donc le début d’une procédure qui aboutit à la décision du 28 avril 1941. La Cour suprême admit alors qu’il avait bien été victime d’une discrimination sur le seul motif de la couleur de sa peau, et il fut décidé que les Noirs devaient avoir accès au même niveau de confort que les Blancs dans les trains, même s’ils continuaient d’être séparés les uns des autres. Et la fin effective de la ségrégation dans les trains n’interviendra finalement que 15 ans plus tard, en 1956.

Le thème du train est bien sûr l’un des plus fréquents dans les textes du blues. J’ai choisi une chanson enregistrée en 1928 par Henry « Ragtime » Thomas (1874-1930), chanteur, guitariste et joueur de flûte de pan ! Elle s’appelle Bull Doze Blues et raconte l’histoire somme toute classique d’un homme qui va prendre le train pour quitter sa bien-aimée… Je me suis aussi souvenu que cette année 2019 marquait les 50 ans du festival de Woodstock, et que le groupe Canned Heat avait alors fait de cette chanson un véritable hymne, en changeant les paroles et le titre, devenu Going Up the Country, mais en conservant la mélodie et surtout le solo de flûte, repris note par note… Ce serait donc bien de se souvenir d’où venait cette chanson mondialement connue, en réécoutant dans mon émission le Bull Doze Blues original de 1928 par Henry « Ragtime » Thomas, dont l’intégrale des enregistrements est disponible sur l’anthologie « Ragtime Texas – Complete Recorded Works In Chronological Order 1927-1929 » (Document, 2000).

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© : YouTube

 

Pour le gospel, nous allons évoquer les Roberta Martin Singers et débuter avec eux une série de quatre émissions portant sur deux anthologies exceptionnelles qui viennent de sortir dans le domaine du gospel. Commençons donc par une compilation de 3 CD et 72 morceaux que l’on doit au label Frémeaux & Associés, qui s’appelle « The Roberta Martin Singers 1947-1962 ». La formation a été fondée en 1933 par Roberta Martin qui faisait un peu tout, chanteuse, pianiste, compositrice, arrangeuse, chef de chorale… En 1933, le gospel est encore très marqué par l’influence des artistes de première génération, dont Thomas Dorsey fut notamment un des chefs de file, et les groupes mixtes hommes/femmes n’existaient pas. Les Roberta Martin Singers sont donc bien des pionniers du genre, même si cela ne se traduira pas avant 1947 sur disque.

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© : Tidal

En tout cas, comme le soulignent les chroniqueurs, dont Julien Crué dans le numéro 234 de Soul Bag actuellement en vente, il était temps que ce groupe essentiel dans l’histoire du gospel soit enfin réédité à la hauteur de son talent. Comme souvent sur ces rééditions assez anciennes, il s’agit de morceaux courts et le format de mon émission me permet d’en passer deux extraits. Nous en aurons en fait quatre au total, deux aujourd’hui et deux autres dimanche prochain. Je vous propose de commencer avec le morceau qui ouvre l’anthologie, qui date donc de 1947, Precious Memories, avec Norsalus McKissick en soliste. Puis j’enchaîne avec Have You Find a Friend en 1954, une composition de Roberta Martin avec cette fois une chanteuse lead, Delois Barrett…