J.T. Brown, Boyd Atkins & Elmore James, novembre 1959. © : Georges Adins / Reddit.

Dans le blues, le saxophone ne s’est réellement imposé que dans la seconde moitié des années 1950, évidemment à Chicago. Avant cela, les « spécialistes » étaient rares et nous connaissons bien les plus notables qui se nomment A.C. Reed, Abb Locke, Eddie Shaw et J.T. Brown. Ce dernier, né John Thomas Brown le 2 avril 1918 à Kosciusko, Mississippi est toutefois le plus âgé des quatre instrumentistes. Il commence à tourner dans de nombreux États avec la troupe des Rabbit’s Foot Minstrels, et rencontre lors d’un passage à Memphis au début des années 1940 le chanteur-guitariste Lee Jackson, avec qui il jouera en club à Chicago durant la décennie suivante. Brown fréquente aussi le chanteur-pianiste Little Brother Montgomery, installé à Chicago depuis 1941 et à l’origine de sa venue dans la Windy City, sans doute au milieu des années 1940.

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En effet, en 1945, J.T. Brown fait ses débuts discographiques dans la formation du chanteur-pianiste Roosevelt Sykes, avec lequel il grave plus ou moins régulièrement des faces jusqu’en 1953. Puis, le 3 avril 1947, avec son groupe le J.T. Brown Boogie Band, il accompagne sur deux chansons Little Eddie Boyd (le « Little » disparaîtra bientôt), avec entre autres Willie Dixon ) à la basse ! En 1949, il change le nom de son groupe en Brown’s Blu-Blowers et enregistre cette fois derrière Corporal Booker T. Washington (auteur de dix faces en 1939 et 1949, sans rapport avec son homonyme décédé en 1915, qui fut enseignant, écrivain et homme politique engagé dans la lutte pour les droits des Afro-Américains) et Grant Jones. Enfin, en 1950 (fin 1949 selon certaines sources), il réalise chez Harlem ses premières faces sous son nom, avec Grant Jones au chant, puis d’autres en 1951 chez United, soutenu par de superbes musiciens dont encore Little Brother Montgomery et Roosevelt Sykes, mais aussi le bassiste Ransom Rowling et le batteur Jump Jackson.

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Sa carrière prend un nouvel élan en 1952 quand il entre dans le groupe d’Elmore James, avec lequel il grave quelques classiques, notamment en 1953, avant de le retrouver durant la période 1957-1960. Il fait ensuite une « pige » aux côtés de Howlin’ Wolf en 1962-1963. De sa sonorité très personnelle, qui fera dire à Jody Williams qu’il était le seul capable de faire sonner son saxophone comme une chèvre ( !), il a fait un atout… Parallèlement, Brown, qui s’est aussi mis au chant, poursuit une carrière personnelle sur disque plutôt disparate d’autant qu’il utilise une multitude de pseudonymes, mais il continue de fréquenter les meilleurs dont Lafayette Leake, Jody Williams, Willie Dixon et Fred Below en 1954 et 1956, puis Matt « Guitar » Murphy et S.P. Leary en 1960 sur une compilation que sortira Delmark en 1972, « Chicago Ain’t Nothin’ But A Blues Band ». Mais Brown reste avant tout un musicien de studio discret malgré une belle apparition en 1963 sur l’album « Folk Singer » de Muddy Waters. Toutefois, en 1969, il revient en lumière sur le disque « Fleetwood Mac in Chicago » (dont un livre vient d’être tiré, lire notre article du 23 novembre 2022), en accompagnant le groupe britannique avec d’autres bluesmen : Big Walter Horton, Buddy Guy, Honeyboy Edwards, Otis Spann, Willie Dixon et S.P. Leary. Hélas, nul ne sait quelle voie aurait pris sa carrière, car le 24 novembre 1969, il meurt des suites d’une opération chirurgicale, à seulement cinquante-et-un ans…

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Voici maintenant notre sélection de chansons en écoute.
They call me Mr. Blues en 1950 par J.T. « Blow It! » Brown et ses Harlem Blu-Blowers, tiré de son tout premier single.
Round house boogie en 1952 par J.T. Brown entouré du groupe d’Elmore James.
Going home to my baby en 1956 par J.T. Brown avec Lafayette Leake, Jody Williams, Willie Dixon et Fred Below.
I want to go home to my baby en 1960 par J.T. Brown avec Matt « Guitar » Murphy et S.P. Leary.
Black jack blues en 1969 avec Jeremy Spencer, Honeyboy Edwards, Willie Dixon et Mick Fleetwood.