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Dans le cadre de ma liste de dix disques qui ont selon moi marqué cette année 2023, nous arrivons mine de rien au numéro 7… Je rappelle, pour répondre aux personnes qui me l’ont demandé, qu’il ne s’agit pas d’un classement mais bien à ce stade juste d’une liste sans ordre de préférence. Mais dès cette liste achevée, soit vers le 20 janvier 2024, je vous proposerai cette fois un bilan, avec en quelque sorte mon « palmarès », mon Top 10 pour 2023. Mais je m’arrête maintenant sur le numéro 7, qui ne pouvait que figurer dans ma liste car ce n’est autre que l’album « Black Bayou » de Robert Finley, sorti chez Easy Eye Sound.

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Un an après sa mise en lumière par la Music Maker Relief Foundation, dès son premier disque en 2016, « Age Don’t Mean a Thing » (que j’ai chroniqué dans le numéro 225 de Soul Bag), Finley s’imposait parmi les meilleurs vocalistes actuels dans un registre soul blues, notamment grâce une palette vocale qui semble sans limites. Et si ses deux albums suivants demeureront dans cette veine, comme l’écrit Frédéric Adrian dans le numéro 252 de Soul Bag à propos de « Black Bayou » qui est son quatrième : « Cette fois-ci, c’est un album blues sans concession qu’il nous propose. » Il suffit ensuite d’écouter pour se laisser emporter dans un tourbillon irrésistible qui fait fusionner Hill Country Blues (une « couleur » grandement due à Auerbach à la production, Kenny Brown à la guitare et Eric Deaton à la basse, exemplaires de la première à la dernière note, sans oublier Tim Quine à l’harmonica), et Swamp Blues car Finley n’a évidemment pas oublié ses origines louisianaises.

© : profil Facebook de Robert Finley.

Dès l’ouverture, Livin’ out a suitcase, la voix écorchée renverse sur un texte (autobiographique ?) sur l’itinérance, puis sur Sneakin’ around plus cuivré, Waste of timepresque blues rock très moderne, Can’t blame me for trying lancinant et poisseux, l’enlevé What goes around (comes around)… Deux ballades s’invitent également, Nobody wants to be lonely dans un style soul blues (beaux chœurs par Christy Johnson et LaQuindrelyn McMahon, fille et petite-fille de Finley, quelle famille !), et Lucky day, archétypale de la Louisiane avec une guitare brûlante. On entend bien sûr le falsetto caractéristique du chanteur, notamment sur Miss Kitty et You got it (and I need it). Avec une réalisation d’un tel niveau, c’est un crève-cœur de choisir seulement trois chansons en écoute, mais je vous propose Miss Kitty, lancinante et sarcastique outre les effets de falsetto, Gospel blues qui se démarque sans perdre en urgence, et Alligator bait, fabuleux talkin’ blues minimaliste, plongée hallucinée et hantée dans un bayou infesté d’alligators ! Pour compléter mon propos, rappelons que Robert Finley tournera en France en janvier et février 2024 (mon article du 21 octobre 2023, que j’ai réactualisé avec de nouvelles dates), et je vous invite à lire le numéro 252 de Soul Bag, qui consacre sa couverture au bluesman et un dossier dans lequel plusieurs musiciens présents nous disent tout sur cet enregistrement. Car ce disque est une énorme baffe. Mais à peine a-t-il cessé de tourner, on a qu’une envie, le remettre en tendant l’autre joue.

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